Journaliste à l’Ishinomaki Hibi Shimbun, Akiyama Yûhiro nous a adressé ce message qu’il souhaitait partager avec vous.
C’est au séisme du 11 mars 2011 que l’on doit la rencontre entre Zoom Japon et l’Ishinomaki Hibi Shimbun. Nos journaux muraux, écrits à la main et affichés dans des centres d’évacuation juste après la catastrophe tragique avaient attiré l’attention de ce magazine français vers notre minuscule journal local.
A l’époque, ces journaux représentaient à mes yeux de journaliste un symbole d’insatisfaction, car les autres quotidiens nationaux et régionaux continuaient à faire leur travail normalement.
Privé de ma maison détruite par le tsunami, j’ai passé la nuit du 12 mars dans un collège transformé en centre d’évacuation et, le lendemain matin, j’ai vu les sinistrés absorbés par la lecture des journaux “ordinaires” distribués sur place. Je n’avais jamais ressenti autant d’impuissance qu’à ce moment-là alors que je désirais ardemment “faire mon métier”. Pendant ce temps, dans les locaux du journal, mes collègues avaient décidé de réaliser des journaux muraux. A la base, un journal écrit avec un feutre ne mérite pas beaucoup d’élonges. Dix années ont passé, mais le fait de ne pas avoir été capable de fournir un journal rempli d’informations aux lecteurs qui en avaient besoin suscite toujours en moi un certain dépit. J’en nourris encore des regrets.
Zoom Japon a continué pendant tout ce temps à transmettre aux lecteurs européens ce qui se passait dans notre ville d’Ishinomaki, dans la préfecture de Miyagi et dans la région du Tôhoku. Cela m’a permis d’apprendre diverses choses et je suis reconnaissant de l’encouragement professionnel et personnel que je reçois de son rédacteur en chef et de son équipe, sans oublier du patron de l’entreprise.
Parmi eux, la rédactrice Koga Ritsuko se rend à Ishinomaki, à Higashimatsushima et à Onagawa chaque fois qu’elle revient au Japon. En observant elle-même l’état d’avancement de la reconstruction de ces lieux sans négliger de poser des questions aux habitants, elle le partage au travers de ses articles. Aujourd’hui, à l’occasion du 10e anniversaire de la catastrophe, j’ai relu son premier reportage à Ishinomaki en 2012 qu’elle avait posté sur le site Internet de Japonaide (http://japonaide.org/). Cette association fondée en France en mars 2011, immédiatement après la catastrophe et principalement par des Japonais, avait pour objectif premier d’apporter un soutien moral aux victimes de la catastrophe.
Voici ce qu’elle écrivait : “Je voulais savoir ce que nous pourrions faire depuis un pays étranger. Et j’ai posé cette question à différentes personnes de la ville. La réponse était identique. “Nous souhaitons rester liés (avec tous ceux qui pensent à nous )”.
Désormais, ce que l’on attend d’Ishinomaki serait de garder une vision internationale et de développer l’industrie locale. Pour cela, la situation actuelle de la ville qui attire l’attention du monde ne doit pas être temporaire, elle doit se projeter dans une relation à long terme.
Ce que l’on attend de nous serait de partager des savoir-faire utiles pour le développement de la ville et de son industrie, de visiter cette ville non seulement en tant que bénévole mais juste pour apprécier la beauté de sa nature et se faire plaisir en se régalant de ses fruits de mer extrêmement frais, de se tenir au courant des informations de la ville même si ce n’est que de temps en temps, de penser à cette ville et de transmettre ces pensées aux habitants. “Rester liés” est un acte parfois invisible. Parce que l’on ne peut pas toujours visualiser le lien, il est important de le montrer de manière visible.”
Je me rends compte que, pendant 10 ans, tout ce que Zoom Japon a entrepris comme projets pour soutenir les zones sinistrées, y compris Ishinomaki, est écrit dans ce texte, et que tout s’est réalisé. Je suis aussi conscient que c’est aussi grâce à la compréhension de ses lecteurs que le magazine a pu continuer à parler d’Ishinomaki, un si petit patelin vu de l’Europe.
15 899. C’est le nombre de personnes dont la vie a été emportée par le tsunami géant qui a bien failli aussi m’avaler. Nous avons appris qu’une catastrophe d’une telle ampleur pouvait nous arriver. Mais ce que j’ai appris de cette expérience est essentiel : l’importance de rester liés malgré “l’invisibilité”. C’est aussi cette chaleur humaine et la nécessité de l’entretenir.
Aujourd’hui, Ishinomaki, le Japon, l’Europe, le monde entier affrontent avec difficulté la crise de la Covid-19 dont le nombre de victimes éclipse celui lié au tsunami. Dans cette situation, quand on réfléchit à ce que l’on peut faire ou ce que l’on doit faire, on a de quoi s’inspirer de l’attitude qui a été celle de Zoom Japon.
C’est parce que je suis Japonais, on ne se refait pas (rires), que je n’ai jamais exprimé mes remerciements. Je veux donc profiter de ce moment de commémoration pour les rendre visibles. Chers amis de Zoom Japon et cher(e)s lecteurs et lectrices de ce magazine, grâce à vous tous, Ishinomaki se porte bien. Nous vous remercions du fond du cœur pour tout ce que vous nous avez apporté. Merci de continuer de penser à nous et de nous suivre dans notre volonté de créer une ville meilleure.
Akiyama Yûhiro