Avec le développement des plats à emporter, plusieurs établissements se sont lancés dans la création de sando.
Durant les longues périodes de confinement, de nombreux restaurateurs français ont puisé leur inspiration dans la cuisine japonaise, porteuse d’une longue tradition de bentô et de plats à omochi kaeri (spécialement conçus pour être emportés). Ainsi, on a vu défiler, concoctés par des chefs français, le chirashi zushi (tranches de poisson cru ou légumes posés sur une couche de riz vinaigré, plus facile à préparer que les maki ou les nigiri) et… les sando, abréviation de “sandwich”. Ce plat anglais a pris une forme curieusement plus généreuse en passant par le pays du Soleil-Levant. Souvent garni de “choses sérieuses” – tonkatsu (porc pané), poulet pané, œufs à la mayonnaise… –, il a été massivement adopté, l’année dernière, par certains établissements de Paname qui recherchaient de nouvelles idées de click & collect, après la vogue des burgers.
Mais au fait, qu’est-ce qui différencie un sando d’un sandwich, hormis ces garnitures, que l’on retrouve aussi finalement dans les pays anglo-saxons ? La clef de cette appellation réside dans le pain de mie à la japonaise. Il y a quelques années déjà, les Français ont découvert ce pain de mie infiniment fuwa fuwa (une texture aussi moelleuse qu’un coussin, voir Zoom Japon n°102, juillet 2020). D’abord surpris, ils se sont ensuite laissé séduire par cette notion jusqu’alors inexistante. Une fois ce shokupan (“pain de mie”, voir Zoom Japon n°74, octobre 2017) apprivoisé, ils se sont lancés dans la confection de leurs propres sando.
Un goût réconfortant, accueillant, résolument régressif… évidemment, tout le monde s’y met ! À Paris, on peut goûter des torikatsu sando (au poulet pané) ou des ebi furai sando (aux gambas panées) au Sando Club, un lieu cosy dédié au sando, préparé avec du pain de mie au lait fait maison, très moelleux. On peut également déguster des sando marins chez Clamato ; tandis que le chef Okiyama de chez Abri prépare un katsu-sando, véritable sando gastronomique avec du porc pané.
Même Sushi Shop, une chaîne de sushi, propose aujourd’hui une gamme de sando, dont un au salmon aburi (saumon snacké) et sur Instagram fleurissent des photos de fruit sando, garnis aux fruits et à la crème chantilly.
L’effet de mode mis à part, il est possible que cette vogue soit née en partie grâce à une vraie envie de la part des cuisiniers, qui ont sans doute découvert ce “plat” au cours de leurs voyages au Japon. Privés de déplacement, nous sommes nostalgiques des goûts d’ailleurs. Il n’est alors pas étonnant que ces chefs se soient lancés dans la recherche de leur tamago sando (aux œufs durs et à la mayonnaise), symbole du temps de la liberté.
Les Occidentaux, qui, jusque dans les années 1980, considéraient que les Japonais ne faisaient que “singer” l’Europe (un constat dressé par les Japonais eux-mêmes), ont commencé à percevoir une certaine originalité chez eux. Passée cette étape, les Français arrivent enfin à s’amuser de la relecture de l’image de l’Occident faite par les Japonais, tout comme les Japonais ont adopté les california rolls, les maki aux avocats, au surimi et à la mayonnaise. Les plats ne cessent de voyager, même en temps de pandémie.
Sekiguchi Ryôko