Au Japon, la fête des amoureux a longtemps rimé avec chocolat. Le produit reste roi, mais les habitudes changent.
La Saint-Valentin, la fête des amoureux à part entière, a pendant longtemps été au Japon le jour où les filles osaient déclarer leurs sentiments, en offrant une boîte de chocolat ou un gâteau au chocolat, et tenter leur chance avec l’élu de leur cœur. Les Japonais ont même inventé le “White day”, le 14 mars, afin que les garçons puissent à leur tour offrir des cadeaux en remerciement pour les chocolats reçus un mois plus tôt. Or, ce folklore est en train d’être bousculé.
Dès les années 1960, où le nombre de mariages par amour a dépassé celui des unions arrangées, la Saint-Valentin était réservée à ces femmes amoureuses. Mais les années 1980 ont vu l’apparition du giri-choko (chocolat par obligation), qui consiste à offrir aussi des chocolats (moins chers) à son chef, au travail. Et depuis une vingtaine d’années, le cercle des personnes à qui on peut faire cadeau de chocolat s’est encore élargi, et on commence même à parler de tomo-choko (chocolat d’amitié). Avec l’arrivée du Salon du chocolat au Japon en 2003 (qui a lieu en janvier ou en février pour l’édition japonaise), on constate que de plus en plus de femmes achètent des chocolats de luxe pour les offrir… à elles-mêmes.
Pourtant, les Japonais semblent se lasser de cet événement. L’époque où les femmes n’osaient pas exprimer leur amour sans l’appui du rituel de la Saint-Valentin est bel et bien révolue. En 2018, la marque de chocolat Godiva a même publié un message délibérément polémique, incitant à “ arrêter le giri-choco”, qui n’a plus de sens pour beaucoup de gens. Selon les statistiques de l’UOCC, 87 % des femmes pensent que le giri-choko peut ou doit disparaître.
Aujourd’hui, et toujours selon des sondages (réalisé en 2020 par Intage et en 2021 par UOCC), les chocolats achetés par la moitié des femmes lors de la Saint-Valentin sont destinés “à leur famille”, puis “à elles-mêmes”. Moins de 10 % en offrent à leurs collègues et supérieurs du bureau, un chiffre encore en baisse en 2021, d’une part à cause du télétravail, d’autre part par souci de ne pas offrir de denrées comestibles. Les chocolats “déclaration d’amour” ne représentent que 7 %. Et 30 % des femmes pensent ne plus en acheter du tout.
Mais cela ne signifie pas pour autant que ce rituel est en voie de disparition. Selon une étude réalisée par LINE en 2020, deux adolescentes sur trois confectionnent des chocolats pour la Saint-Valentin, quand elles ne sont que 40 % à le faire pour les femmes dans la vingtaine et 35 % pour les trentenaires. Ces friandises sont principalement préparées pour être consommées à la maison. Les boutiques de chocolat et les grands magasins qui réalisent 70 % de leur vente à cette période de l’année ne peuvent se permettre une baisse drastique. C’est pourquoi, cette année, ils innovent en proposant de riches gammes de produits que l’on peut acheter sur leur site, ou en vente exclusive en ligne, et offrent même les frais de port…
A l’avenir, il est possible que la Saint-Valentin prenne les couleurs de la famille, avec qui l’on a passé le plus de temps depuis le début de la pandémie, voilà maintenant deux ans.
Sekiguchi Ryôko