Depuis près d’un siècle, la maison Kiyôken propose ce plat et en a fait le symbole culinaire de la ville.
Yokohama, avec son port, a toujours été la terre d’accueil des cuisines étrangères. C’est là où s’est installée la première fabrique de glace, et c’est là aussi que d’autres produits tels que le pain de mie, la charcuterie, les cocktails ou les gâteaux occidentaux, dont le fameux fraisier, ont été commercialisés pour la première fois.
Mais cela ne s’est pas limité aux cuisines occidentales. La ville de Yokohama est connue pour son quartier chinois, qui s’est développé à partir de 1859, et pour le siu mai (shûmai), un plat d’origine chinoise devenu spécialité locale grâce à Kiyôken, maison fondée en 1908.
Kubo Hisayuki, ancien chef de gare de Yokohama, a eu l’idée, avec sa femme Koto, de proposer des bentô en vente sur les quais (Voir Zoom Japon n°34, octobre 2013 et Zoom Japon n°121, juin 2022). Et c’est en 1923 que la maison Kiyôken a pris l’initiative de développer un bentô qui représenterait la ville de Yokohama. Ils ont, pour ce faire, recruté un chef chinois et réussi à créer des siu mai de petite taille pour faciliter la dégustation dans le train, délicieux même froids, grâce à un mélange de viande et de coquille Saint-Jacques.
Pendant la guerre, et malgré l’incendie dû à une frappe aérienne qui a ravagé les bureaux et le restaurant, ils ont pu rouvrir un établissement au sein de la gare de Yokohama le lendemain de la défaite. La concurrence était rude – les passagers pouvaient acheter leur bentô dans n’importe quelle gare – et pour attirer leur attention, les vendeuses de “siu mai bentô” déambulaient sur le quai de la gare de Yokohama vêtues d’une tenue chinoise rouge. On les appelait les siu mai girls et c’est grâce à l’ekiben, le repas qui voyage, que le siu mai de Kiyôken a été reconnu nationalement comme le plat phare de Yokohama.
Le siu mai a toujours été l’ami des habitants de Yokohama. La marque, qui vend aussi des bentô au stade de Yokohama, a noué une collaboration avec le chemin de fer municipal, ou avec la municipalité dans le but de promouvoir un comportement éthique face aux déchets alimentaires, et a même commercialisé un bentô sans emballage plastique, essayant de réduire le gaspillage alimentaire. Par ailleurs, elle a, pour répondre à la demande des agences de tourisme, commencé à organiser des visites de son usine, et est rapidement devenue une destination touristique, qui accueille quelque quarante mille visiteurs par an (visite gratuite, soumise à réservation).
La clef du succès de la maison Kiyôken doit justement résider dans le fait qu’elle a toujours gardé un lien étroit avec la ville et ses habitants. Plutôt que de chercher à devenir une marque nationale, elle n’a jamais cessé de se revendiquer “de Yokohama”, et c’est paradoxalement ce qui lui a permis de gagner cette renommée nationale. Elle a arrêté de distribuer ses bentô aux quatre coins du pays, et c’est d’autant plus pour cela que les clients venus d’ailleurs l’achètent lors de leur passage dans la région du Kantô, sans parler des habitants de Yokohama, les plus grands consommateurs de siu mai de l’Archipel.
D’ailleurs, ce sacré siu mai a reçu le prix de contribution à la ville de Yokohama, faisant de lui le premier être non vivant à recevoir cette distinction. Le siu mai est bel et bien la mascotte de la ville !
Sekiguchi Ryôko