Pour Watanabe Hiromitsu, professeur à l’université de Hiroshima, on a tout intérêt à manger du soja fermenté.
Le miso est l’un des principaux ingrédients de ce que les Japonais appellent ofukuro no aji (goût de la cuisine maternelle). Cependant, des études récentes ont mis en évidence le fait qu’en plus d’être un élément essentiel et délicieux du régime traditionnel, ce produit semble également être l’un des facteurs clés de la longue espérance de vie vantée des Japonais.
Depuis de nombreuses années, nous savons que le miso contient de nombreux nutriments. Les graines de soja, principale matière première du miso, sont fermentées pour produire davantage d’acides aminés et de vitamines, ce qui augmente leur valeur nutritionnelle. Le miso contient une grande quantité de huit types d’acides aminés qui sont essentiels pour mener une vie saine. En outre, le miso regorge de vitamines (B1, B2, B6, B12, E, K, niacine, acide folique, acide pantothénique, biotine), de minéraux (sodium, potassium, calcium, magnésium, phosphore, fer, zinc, cuivre, iode, sélénium, chrome molybdène) et de fibres alimentaires.
La fermentation des graines de soja et leur consommation sous forme de miso permettent d’absorber des protéines dans un état plus facilement digestible. Dans le cas du miso, la fermentation progresse, ce qui facilite la digestion et l’absorption des nutriments. De plus, bien que le miso en lui-même soit très bon pour l’organisme, la soupe miso en renforce encore les bienfaits car on peut créer un effet de synergie en y ajoutant d’autres ingrédients sains. Les sardines séchées, le katsuobushi (flocons de bonite sechés), le tôfu, les algues wakame et les légumes verts, par exemple, contiennent beaucoup de calcium.
Watanabe Hiromitsu, professeur à l’université de Hiroshima, est l’un de ceux qui ont fait des recherches sur les effets positifs du miso sur notre santé. “Selon le Wajinden, qui fait partie d’une chronique historique chinoise du IIIe siècle, la reine Himiko a vécu jusqu’à 80 ans et nombre de ses sujets, les habitants de Yamatai, ont vécu encore plus longtemps. On dit qu’ils mangeaient une soupe de légumes qui est considérée comme l’un des prédécesseurs de la soupe miso moderne. Si tel est le cas, on peut en déduire que le miso est étroitement lié à la vie des Japonais depuis les temps anciens et qu’il a joué un rôle majeur dans l’obtention d’une bonne santé”, rappelle le spécialiste. “En effet, le botaniste et néo-confucianiste Kaibara Ekiken, de la période Edo (1603-1868), avait l’habitude de citer un vieux proverbe : ‘Le mal et la maladie viennent de la bouche’, ajoutant que les ingrédients qui composent le miso sont bons pour le corps car ils complètent le travail du tractus gastro-intestinal. Il a ensuite conclu par un autre proverbe : ‘la soupe miso tue les médecins’”, ajoute-t-il.
Pendant des siècles, les Japonais se sont cantonnés à ce qui, d’un point de vue occidental, pourrait être considéré comme un régime alimentaire pauvre. Jusqu’au XIXe siècle, par exemple, la consommation de viande était ostensiblement interdite et le poisson était la principale source d’apport en protéines. Pourtant, les visiteurs étrangers étaient constamment impressionnés par la force et l’endurance de la population. “Les missionnaires qui sont venus au Japon au XVIe siècle se demandaient comment les Japonais pouvaient être en si bonne santé alors qu’ils ne mangeaient pas de viande”, rappelle-t-il. “L’un d’eux a fait remarquer qu’en raison de la robustesse de leur corps, ils se remettaient de blessures graves, d’os cassés, d’ulcères et d’épidémies plus rapidement et mieux que les Européens. Cette impression s’est renforcée au cours du XIXe siècle, lorsque de nombreux étrangers sont venus au Japon.
L’un d’eux était le médecin allemand Erwin Bälz, l’un des cofondateurs de la médecine occidentale moderne au Japon. Lors d’une conférence universitaire allemande en 1901, il a déclaré : “Il faut 14 heures de cheval pour aller d’Edo à Nikko, et 14,5 heures en pousse-pousse. Lorsque j’ai demandé à l’homme qui m’a conduit quel était son régime alimentaire, il m’a répondu qu’il ne mangeait que des onigiri, des umeboshi (prunes séchées, voir Zoom Japon n°54, octobre 2015), du radis râpé au miso et du takuan (radis daikon mariné). C’est un régime pauvre en protéines et en graisses. Du point de vue de Bälz, c’était un repas assez grossier. Et pourtant, ces hommes semblaient pouvoir courir éternellement. En d’autres termes, ils étaient capables de maintenir leur endurance avec seulement du riz et de la soupe miso. On pensait que l’espérance de vie moyenne vers 1891 était de 43 ans, mais la mortalité infantile était extrêmement élevée, et si l’on exclut ceux qui mouraient avant l’âge de 14 ans, l’espérance de vie moyenne était d’environ 60 ans, ce qui est tout à fait remarquable pour l’époque”, poursuit le professeur.
Watanabe Hiromitsu a découvert les effets quasi miraculeux du miso en 1989. “A l’époque, je travaillais sur les effets des radiations”, raconte-t-il. “Je connaissais Akizuki Tatsuichirô, un médecin et survivant du bombardement atomique de Nagasaki. Il avait continué à soigner d’autres survivants blessés alors que lui-même n’avait souffert d’aucune maladie grave grâce – selon lui – à la consommation de miso immédiatement après le bombardement. Cependant, j’ai été plutôt surpris lorsque mon patron, le professeur Itô Akihiro,
m’a demandé de l’aider dans ses recherches sur le miso. Comme j’étudiais la façon dont les radiations affectent le tube digestif des souris, nous avons commencé à nourrir des souris et des rats avec du miso lyophilisé à 10 % de riz et nous avons constaté que la consommation de miso réduit les dommages causés au tube digestif par les radiations. Cette régénération n’est efficace que si le miso est donné une semaine avant l’irradiation.
A partir du quatrième mois de fermentation, la régénération de l’intestin grêle a commencé à augmenter. De plus, dans une étude récente sur les ingrédients actifs, nous avons trouvé des substances moléculaires qui sont censées réduire la pression artérielle et le taux de sucre dans le sang et d’autres qui présentent une activité antioxydante. L’une d’entre elles, la tolazoline, a non seulement un effet hypotenseur mais assure une radioprotection”, confirme le spécialiste.
Des études épidémiologiques ont également démontré que la consommation de miso réduit l’incidence du cancer de l’estomac, du sein et du foie. “Nous avons constaté que l’incidence du cancer diminue avec l’augmentation de la maturité du miso. Par exemple, le miso vieilli de 180 jours a un fort effet inhibiteur. Des résultats similaires ont été obtenus avec le cancer du côlon. En d’autres termes, le miso arrivé à maturité contient une substance qui supprime la prolifération cellulaire, ce qui suggère la possibilité de supprimer le cancer”, explique-t-il.
Le miso, comme le shôyu, a souvent mauvaise réputation car il contient beaucoup de sel et peut provoquer des maladies liées au mode de vie, notamment le cancer de l’estomac et l’hypertension artérielle. Des chercheurs étrangers se sont demandé pourquoi les Japonais vivent si longtemps alors qu’ils consomment beaucoup de sel. En effet, la pression artérielle serait assez faible malgré une consommation de sel aussi élevée. Cependant, le professeur Watanabe affirme que, selon de nombreuses études, c’est faux. “L’idée que manger du miso entraîne une forte consommation de sel est une légende urbaine. La racine du mal, c’est l’augmentation des importations de blé. En 1955, les États-Unis ont créé une campagne pour promouvoir l’utilisation d’aliments en poudre : ‘un régime à base de riz est le véhicule du sel, tandis que les aliments en poudre sont le véhicule des protéines’ disaient-ils. La vérité est que dès que le régime japonais s’est occidentalisé, le cancer a augmenté au même niveau qu’en Europe occidentale”, assure-t-il.
“Les Japonais ont également une tension artérielle plus faible que les Américains, les Britanniques et les Chinois, bien qu’ils consomment plus de sel. Cela a conduit à la conclusion que le sel contenu dans le miso et d’autres produits fermentés a un mécanisme d’action différent de celui du sel de table pur, de sorte que la consommation de miso n’affecte pas la pression artérielle et retarde l’apparition d’un accident vasculaire cérébral.”
Watanabe Hiromitsu est convaincu qu’une vie saine est basée sur le “pouvoir du miso”. Alors pourquoi ne pas enrichir votre vie avec une tasse quotidienne de savoureuse soupe miso ?
Gianni Simone