Si vous souhaitez faire plaisir à vos proches nippophiles, Zoom Japon vous recommande ces deux livres.
Au Japon, cela fait très longtemps que l’on prend les fantômes et les monstres très au sérieux, comme en témoigne le très bel ouvrage rédigé par Yumoto Kôichi et publié par les Editions de la Martinière sous le titre Yôkai : créatures et esprits surnaturels du Japon (40 €). Pendant la période d’Edo (1603-1868), par exemple, il existait un jeu populaire parmi les samouraïs appelé Hyakumonogatari Kaidankai [Petit concentré de cent contes surnaturels]. Les joueurs se réunissaient dans une pièce la nuit et, après avoir allumé une centaine de bougies, ils se racontaient tour à tour des histoires effrayantes. Après chaque conte, une bougie s’éteignait et la pièce s’assombrissait progressivement, offrant aux participants une dose supplémentaire de frissons au fur et à mesure que le temps passait. On disait que, lorsque la pièce serait complètement plongée dans le noir, un fantôme ferait alors son apparition et viendrait hanter le lieu.
Il est donc recommandé de feuilleter l’ouvrage de Yumoto Kôichi en pleine lumière, car celui-ci est composé d’une incroyable iconographie grâce à laquelle le lecteur peut découvrir la richesse de cette tradition de fantômes à l’égard desquels les Japonais ont un attachement particulier. “En rendant visibles ces esprits étranges, nos ancêtres se libérèrent de la peur de l’inconnu et la transmutèrent en des images concrètes, atténuant ainsi leur sentiment d’insécurité”, explique d’ailleurs dans son introduction le directeur émérite du musée Miyoshi Mononoke. Au fil des pages, on découvre justement avec quel talent des artistes ont réussi à créer des œuvres où ces
créatures apparaissent finalement beaucoup moins effrayantes que dans le cerveau de ceux qui les évoquaient oralement. Le livre se termine sur le portrait de l’Amabie, un yôkai guérisseur de maladies contagieuses qui est revenu à la mode lors de la crise du coronavirus en 2020.
Pour une approche plus documentée encore sur ce thème, vous pouvez aussi vous reporter au travail de Brigitte Koyama-Richard : Yôkai, fantastique art japonais (Nouvelles éditions Scala, 2017). Cela fait des années que cette spécialiste des estampes nous régale avec ses ouvrages richement illustrés et accompagnés de textes érudits mais accessibles. En cette fin de l’année 2022, la professeur émérite de l’université Musashi, à Tôkyô, publie toujours chez le même éditeur un remarquable livre consacré à la capitale. Intitulé
Tôkyô, nouvelle capitale (35 €), il s’agit d’une plongée dans le temps à un moment clé de l’histoire du Japon quand celui-ci s’est ouvert au reste du monde et qu’Edo est devenu Tôkyô. Comme toujours, les estampes choisies avec soin et mises en valeur avec la même attention par l’éditeur sont commentées avec cette rigueur qui caractérise le travail de Brigitte Koyama-Richard. Elle rappelle notamment que “si les estampes de la fin de l’époque d’Edo et de l’ère Meiji sont souvent boudées et jugées moins belles et de couleurs criardes, elles sont pourtant tout aussi intéressantes et surtout très révélatrices de la modernisation du Japon”. Voilà pourquoi ce beau livre a toutes les raisons de figurer sur la liste des cadeaux à offrir cette année.
Gabriel Bernard