Prochainement, ne manquez pas deux films très différents, mais représentatifs de la société japonaise contemporaine.
Si le principe selon lequel le cinéma est un excellent moyen de saisir le pouls d’une société, alors les deux films La Maison des égarées et Yamabuki, qui seront respectivement dans les salles le 28 juin et le 2 août, répondent parfaitement à cette mission tout en étant d’excellente facture. Sorti initialement en 2021 au Japon au moment où le pays célébrait le dixième anniversaire du séisme du 11 mars (voir Zoom Japon n°9, avril 2011), le premier long-métrage est un film d’animation dont le but est à la fois de montrer la résilience de la population et l’importance d’entretenir les liens avec ses proches et son passé pour ne pas baisser les bras. La “famille” est au cœur de ce joli film parfaitement maîtrisé en termes d’animation, mais l’acception du terme ici ne se limite pas aux seuls liens du sang puisque les protagonistes – une vieille femme Kiwa, une petite fille Hiyori et une lycéenne Yui – n’ont aucun lien de parenté, mais leur destin va être à tout jamais réuni lorsque Kiwa prend les deux enfants sous son aile et les entraîne dans une mayoiga, un lieu qui protège les voyageurs perdus comme le sont ces êtres frappés par différents malheurs.
Ce lieu appartient au folklore du Tôhoku, la région nord-est du Japon, auquel Kashiwaba Sachiko, l’auteur de l’œuvre originale adaptée par Kawatsura Shin’ya, a fait appel pour mettre en avant l’importance de l’héritage culturelle comme base pour reconstruire un avenir commun. On retrouve notamment les fameux kappa, qui sortent de leur rôle habituel de personnage un peu espiègle, pour venir en aide aux populations locales pour qu’elles chassent en elles le doute et la peur après une telle catastrophe. Si certains lieux sont fictifs, la ville de Tôno (voir Zoom Japon n°105, novembre 2020), elle, est bien réelle et permet d’ancrer le récit dans la réalité. Très bien mené et sans temps mort, ce film d’animation ravira un large public désireux de découvrir en partie l’âme japonaise.
Yamabuki signé par Yamasaki Jûichirô explore une autre réalité du Japon, dans une autre région. A Maniwa, dans la préfecture d’Okayama, au sud-ouest de l’Archipel, le cinéaste, qui en est originaire, présente un visage moins optimiste de la société japonaise. D’ailleurs, les couleurs ternes du film soulignent ce côté sombre où il est question d’immigration (voir Zoom Japon n°90, mai 2019), de refus de la guerre, de violence. Le cinéaste a construit une histoire dans laquelle le destin de Chang-su, un ancien cavalier olympique de l’équipe de Corée du Sud, obligé de travailler au Japon dans une carrière alors que sa famille est criblée de dettes, celui de Minami et sa petite fille, qui a fui son mari et sa famille il y a sept ans et qui vit désormais avec lui, enfin celui de Yamabuki, une lycéenne, dont la mère est décédée et le père est policier, qui manifeste contre la tentation du gouvernement de réviser la Constitution, finissent par s’entremêler et créer une histoire prenante et interprétée avec conviction. Voilà un long-métrage qui offre un instantané du Japon tel qu’il est et cela faisait un moment qu’il n’y en avait pas eu.
Gabriel Bernard
Références
La Maison des égarées (Misaki no Mayoiga), de Kawatsura Shin’ya, avec Ashida Mana, Awano Sari et Ôtake Shinobu. 2021. 1h45. A partir de 10 ans. En salles le 28 juin.
Yamabuki, de Yamasaki Jûichirô, avec Kang Yoon-soo, Inori Kilala, Kawase Yôta, Wada Misa, Miura Masaki. 2022. 1h37. En salles le 2 août.