Paysages sublimes, histoire, religion et gastronomie. Autant d’atouts que la préfecture de Kôchi met à votre disposition.
Voyageur infatigable, Tora-san, le personnage imaginé par le cinéaste Yamada Yôji (voir Zoom Japon n°116, décembre 2021), a parcouru 44 des 47 préfectures du Japon tout au long des 50 films dans lesquels il est apparu. Celle de Kôchi était au programme, mais la disparition d’Atsumi Kiyoshi, l’acteur incarnant le plus célèbre des tekiya (vendeur de foire) du pays, a empêché ce projet d’être réalisé. Mais dans la petite cité d’Ioki, située à une quarantaine de kilomètres de Kôchi sur la ligne Asa exploitée par la Tosa Kuroshio Railway et célèbre pour sa grotte inscrite au patrimoine national en 1915, un amoureux de la série Otoko wa tsurai yo (C’est dur d’être un homme) a créé plusieurs statues de Tora-san en jizô, ce bouddha qui reste dans ce monde pour sauver les hommes de la souffrance. Non seulement cette représentation convient parfaitement à sa personnalité, mais elle rappelle aussi que Kôchi est avec les autres préfectures de l’île de Shikoku l’un des points de passage obligé pour les pèlerins (henro) qui ont entrepris de rallier les 88 temples du fameux pèlerinage (Shikoku hachijû hakkasho) reprenant le périple effectué par le moine bouddhiste Kûkai (Kôbô Daishi) au IXe siècle, figure tutélaire du bouddhisme au Japon.
Si Kôchi ne compte que seize des 88 temples officiels appartenant à ce pèlerinage, il y en a suffisamment pour satisfaire les amateurs de sites religieux d’autant que, parmi eux, on en trouve quelques remarquables. Prenez par exemple le Shôryû-ji qui se trouve à Tosa. Le 36e temple du circuit a été fondé par Kûkai pour honorer la mémoire du moine Keika sous la direction duquel il a étudié lorsqu’il était en Chine. La statue principale, sculptée par Kôbô Daishi, représente Namikiri Fudô, une divinité au visage colérique mais bien intentionnée, qui tient des cordes pour lier les gens au bien. Le port d’Usa, situé à proximité du temple, était autrefois prospère grâce à la pêche au thon, et le temple était un lieu de culte pour les pêcheurs. Pour s’y rendre, il faut prendre un bus à destination d’Usa à la gare de Kôchi et descendre à l’arrêt Skyline-iriguchi. De là, il y a environ 40 minutes de marche. Après cette visite, les plus courageux pourront entreprendre une marche de 55 km jusqu’au 37e temple, Iwamoto-ji, fondé en 729, mais le plus simple est de prendre le train jusqu’à la gare de Kubokawa (Shimanto) à partir de la gare d’Ino, la plus proche du Shôryû-ji. L’un des attraits du lieu est sa connexion avec l’art moderne. En effet, malgré ces siècles d’existence, il a bénéficié lors de sa rénovation en 1978, d’un ajout au plafond de la salle principale sous la forme de 575 peintures offertes par des artistes de tout le pays. A côté des images traditionnelles de la nature et du Bouddha, les visiteurs trouveront également des peintures inspirées par Renoir, Marilyn Monroe, des voiliers, des chats, des girafes et bien d’autres choses encore ! Cet intérêt pour l’art se poursuit grâce à une collaboration avec des artistes contemporains qui apportent une touche de couleur supplémentaire au site.
Après avoir visité le temple, ne manquez pas de vous arrêter à la brasserie Fumimoto qui a réouvert ses portes en mai 2023 après une rénovation inspirée également par la volonté de nouer un lien entre la tradition, c’est-à-dire la production de saké, et l’art moderne avec des expositions d’œuvres colorées et des emballages pour ses breuvages réalisés par des artistes très inventifs. N’hésitez pas à acheter une petite poche de saké bien frais avec quelques gourmandises que vous pourrez déguster dans le train qui vous conduira de Kubokawa en direction d’Uwajima dans la préfecture voisine d’Ehime. C’est en effet à partir de cette gare que démarre la ligne JR Yodo qui est sans doute l’une des plus belles à parcourir. La compagne ferroviaire y fait circuler plusieurs types de trains parmi lesquels l’un rappelle la ligne du premier train à grande vitesse mis en service en 1964, le shinkansen 0. Mais rassurez-vous avec ce modèle, vous ne dépasserez jamais les 60 km/h et vous pourrez admirer l’incroyable beauté des paysages le long de la rivière Shimanto qu’elle longe une bonne partie du trajet. Même si vous ne faites pas tout le trajet jusqu’à Uwajima, vous ne le regretterez pas. Retournez à Kubokawa d’où vous prendrez un autre train vers Susaki, petite cité portuaire où vous pourrez notamment déguster les fameux nabe yaki râmen, des nouilles en bouillon servies dans une cocotte en terre cuite, un pur délice. A la sortie de la gare de Susaki, le petit restaurant Chiaki à la façade jaune et bleue et au décor suranné en sert de délicieux. Avant de reprendre la direction de Kôchi, une petite promenade digestive dans ce quartier de Haramachi vous plongera dans l’atmosphère du Japon des années 1950-1960. En arrivant à Kôchi, il ne vous restera plus qu’à remonter le temps en visitant le château, mais surtout la zone de Katsurahama que l’on atteint en une cinquantaine de minutes en bus, au départ de la gare. C’est là que vous trouverez la grande statue de Sakamoto Ryôma et le musée qui lui est consacré, lui qui est devenu le symbole de la préfecture en tant que défenseur de la souveraineté du Japon et de la liberté au moment où le pays était menacé par les puissances occidentales.
Gabriel Bernard