Il y a un an, j’ai entamé la procédure de renouvellement de mon titre de séjour. Résidant en France depuis plus de vingt ans, diplômée d’une université française et employée en CDI dans une entreprise française, mon dossier a été accepté en quelques secondes à la préfecture. Pourtant, après avoir reçu un récépissé valable six mois, ma démarche n’a plus avancé et je n’ai reçu aucune nouvelle depuis. Je devrais voyager à l’étranger, mais cette situation ne garantit pas mon droit de revenir en France. Si j’avais un passeport français, la vie aurait été plus simple ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? C’est parce que le Japon interdit à ses citoyens d’acquérir la double nationalité, à l’exception de quelques cas. Effectivement, une amie japonaise à Paris s’est récemment naturalisée française en renonçant à sa nationalité d’origine, motivée par la montée de l’extrême droite, perçue comme une menace pour les étrangers (pendant qu’un ami français se prépare à quitter le pays pour la même raison !).
En réalité, malgré l’interdiction, plus de 900 000 Japonais à travers le monde conservent deux nationalités, souvent illégalement. Les autorités japonaises sont au courant, mais pratiquent le mokunin, un terme composé des idéogrammes « moku » (se taire) et « nin » (accepter), qui signifie « fermer les yeux ». Ce secret de Polichinelle fait l’objet de plus en plus de débats au Japon, notamment en raison du nombre croissant d’enfants métis. Les médias japonais commencent enfin à questionner la possibilité d’une reconnaissance officielle de la double nationalité. Le chemin sera long, mais c’est déjà un grand pas.
Par ailleurs, j’ai lu dans des journaux français que les retards dans la délivrance des titres de séjour sont significatifs dans de nombreuses régions. Ainsi, si je pars cet été au Japon pour voir ma famille, la France ferait-elle donc elle aussi son mokunin en ignorant ces « sans-papiers », conséquence directe de ces retards administratifs ?
Koga Ritsuko