A force de rechercher la nouveauté, les Japonais finissent par consommer les mêmes types de plat…
Tout le monde sait que les Japonais aiment les nouveautés ; les produits dans les supermarchés et les konbini se renouvellent sans cesse, ils sont constamment à la recherche de plats venus des quatre coins du monde.
Mais en même temps, leur préférence pour un certain type de goût existe ; en matière de douceurs, les grands classiques tels que le fraisier ou le baumkuchen n’ont jamais disparu des répertoires des pâtisseries japonaises.
Alors comment faire pour satisfaire à la fois les goûts préférés de tous les Japonais et la quête de nouveauté ?
On remarquera alors un phénomène assez intéressant ; on importe des gâteaux qui contiennent plus ou moins les mêmes ingrédients, mais qui ont chacun une autre histoire et un autre nom, pour qu’on ait une impression de nouveauté, sans vraiment quitter sa zone de confort.
Prenons le cas du yaki miruku (lait grillé), qui était en vogue il y a un an au Japon. Venue de Chine, cette douceur qui a un nom si mignon – car l’association de yaki (comme yakitori = poulet grillé ou takoyaki = boulette de poulpe) et milk sonne presque fantaisiste – se prépare à base de jaunes d’œufs, de lait, de fécule de maïs, de sucre et de fromage. Son aspect n’est pas sans rappeler la crème anglaise, préparée à base de jaunes d’œufs, de lait et de sucre. Et d’ailleurs, yaki kasutâdo (crème anglaise brûlée) ou yaki kasutâdo tarte (tarte à la crème anglaise) se trouvent aussi abondamment au Japon.
Et bien évidemment, la recette de cette tarte est quasi identique à celle du pastel de nata, la tarte portugaise connue il y a une vingtaine d’années au Japon sous le nom d’“egg tarte” après que ce nom ait été vu une fois dans une boutique d’origine macanéenne, puis plus récemment sous son nom d’origine, pastel de nata. Et cette recette, qui est si proche du “flan” en français et qui est d’ailleurs à la mode en France depuis quelques années, est en train d’arriver au Japon…
Le Japon importe régulièrement une recette similaire sous un autre nom. D’abord purin (qui vient de pudding) fin XIXe siècle, puis kasutâdo kurîmu (custard cream) pendant l’ère Shôwa, nom qu’on utilisait un peu pour tous les desserts, et kurêmu burure (crème brûlée) dans les années 1990, puis egg tarte début des années 2000 avant la mode de pastel de nata, puis yaki kasutâdo et yaki miruku, et on en a sans doute oublié un au passage…
Alors que chaque pays garde un plat et une recette de ce style, les Japonais en ont importé des variantes infinitésimales comme si c’était toujours des desserts différents. Ce qui a donné, comme résultat, le croisement de tout ce qu’on a pu inventer à partir de lait (ou de crème), de sucre et d’œufs. Nous ne savons pas si les Japonais en sont conscients, mais si ça continue, le Japon va devenir le plus grand collectionneur et le gardien de tous ces desserts. De quel pays viendra la prochaine recette de lait grillé ou de lait frit ?
Sekiguchi Ryôko