Jusqu’au 13 mai, une magnifique exposition permet de saisir la valeur historique et artistique des armures.
Pendant longtemps, l’intérêt pour les armures japonaises a été partagé par un petit groupe de passionnés que ce soit au Japon ou ailleurs dans le monde. Le grand public s’y est peu à peu intéressé en partie grâce au succès mondial de La Guerre des étoiles. George Lucas à qui l’on doit cette saga n’a jamais caché son enthousiasme pour les films d’époque signés Kurosawa Akira. C’est la raison pour laquelle le personnage emblématique de la saga, Dark Vador, porte un casque directement inspiré par le kabuto (casque) d’un célèbre daimyo (seigneur), Date Masamune qui dominait le nord-est de l’archipel au début du XVIIe siècle. Même si le lien direct entre la notoriété du casque de Dark Vador et l’intérêt croissant pour les armures venues du Japon peut être contesté, il n’en reste pas moins vrai que les musées français avaient jusqu’à présent organisé peu de manifestations les concernant et que leurs collections en la matière étaient faibles. C’est pourquoi la grande exposition qui leur est consacrée au Musée national des arts asiatiques-Guimet et au Palais de Tokyo, à Paris, constitue-t-elle une sorte de tournant. “Elle est le fruit de la rencontre entre la présidente du musée et de Jean-Christophe Charbonnier qui est intervenue à la suite de l’acquisition très importante faite par notre institution, en 2015-2016, de l’armure du clan Matsudaira classée ‘bien d’intérêt patrimonial important’”, confie Michel Maucuer, conservateur des collections japonaises.
Clou de cet événement muséographique, cette armure de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle se distingue par son remarquable état de conservation et le caractère exceptionnel des matériaux utilisés pour sa réalisation. Elle est en quelque sorte la vedette américaine d’une exposition extraordinaire tant au niveau de sa conception que de sa présentation. L’élément spectaculaire des armures est donc, d’une certaine façon, entretenu par les responsables de cette belle initiative. On est loin en effet des expositions classiques où seraient alignées des dizaines de pièces. En décidant de présenter l’exposition sur trois sites différents – le musée Guimet, l’hôtel Heidelbach et le Palais de Tokyo –, ses initiateurs nous ont déjà donné un signal fort. Il est en effet rare qu’on procède de cette manière, mais en visitant les trois parties, on comprend finalement le dessein général qui consiste à montrer que ces armures sont des “chefs-d’œuvre”, comme l’explique brillamment Sophie Makariou, commissaire générale de l’exposition et présidente du musée Guimet, dans un des textes qui composent le très beau catalogue (ToriiLinks éditions, 39 €). “‘Chef-d’œuvre’ : que l’on s’interroge sur le terme et l’on mesurera combien parfaitement il s’applique aux armures japonaises tant elles semblent expérimenter jusqu’à l’extrême les matériaux ainsi que dans l’industrie moderne de haute-technologie”, écrit-elle. Dès lors, on comprend pourquoi les organisateurs évoquent “une sorte d’installation” pour reprendre les termes de Michel Maucuer quand il décrit la présentation des très belles armures dans la rotonde du 4e étage du Musée national des arts asiatiques-Guimet. Le fait d’associer le Palais de Tokyo, situé à une centaine de mètres de là, est également révélateur de la démarche “artistique” qui entoure l’exposition. Ce haut lieu de l’art moderne accueille aussi des armures, lesquelles sont mises en valeur dans ce bel espace et accompagnées d’une installation réalisée par le Britannique George Henry Longly. Intitulée Le Corps analogue, elle illustre à quel point ces objets peuvent fasciner d’autres artistes. Né, en 1978, un an après la sortie du premier film de la série La Guerre des étoiles, il y a fort à parier que le jeune artiste aura vu la saga et été impressionné par le fameux casque de Dark Vador même si l’exposition ne le dit pas.
Pour ne pas tomber dans les excès d’une exposition qui perdrait de vue l’idée de mettre en évidence la dimension historique de ces armures, ses commissaires ont aussi choisi de présenter “de façon plus classique, plus muséographique” des éléments à l’hôtel Heidelbach qui se trouve un peu plus haut sur l’avenue d’Iéna. C’est peut-être par là qu’il convient de commencer la visite pour justement mieux appréhender le rôle joué par ces armures avec la présentation de nombreux objets et accessoires sans lesquels elles perdaient une partie de leur valeur. On y découvre ainsi bien sûr des sabres, des tsuba (garde-sabres), les fameux jinbaori (gilet porté par-dessus l’armure), mais aussi d’autres pièces qui rappellent le rôle des daimyo dans l’histoire du Japon.