Le groupe des Nabis emmené par Bonnard ou encore Vuillard a également été influencé par l’art nippon.
La frénésie de Japon, qui toucha la France au milieu des années 1860, engendra le meilleur et le pire. L’arrivée massive de bibelots et de produits d’artisanat courant mit au goût du jour une production sans grande valeur artistique qui envahit les intérieurs. Parallèlement à cet engouement décoratif superficiel, un puissant courant d’influence traversa la création contemporaine aboutissant à une forme d’hybridation esthétique. La génération des Impressionnistes fut la première touchée par cette vague. Whistler, Tissot, Degas, Manet, Monet (voir p. 16), collectionnèrent les estampes japonaises dont ils adoptèrent certaines formules dans leur peinture, en particulier dans le traitement de l’espace et le désir de capter le caractère éphémère du monde. Vingt ans plus tard, une nouvelle génération d’artistes fut à son tour séduite par le japonisme comme vecteur d’émancipation artistique.
L’Exposition universelle de 1889 célébrant le centenaire de la Révolution française, marqua le basculement de l’Europe vers la modernité. Cette manifestation présentait la vitrine idéale d’une société nouvelle dominée par la croyance dans le progrès scientifique et technique comme vecteur de développement universel sur fond d’expansion coloniale. C’est à l’occasion d’une de leur visite qu’un petit groupe d’élèves de l’atelier Julian eut une révélation foudroyante en pénétrant dans le café Volpini, où se tenait une exposition d’œuvres contemporaines. Les murs de l’établissement étaient recouverts de toiles et de gravures signées Paul Gauguin, Émile Bernard et d’autres peintres amis du maître de Pont-Aven. Les jeunes peintres furent bouleversés par ces compositions formulées à l’aide d’aplats de couleurs, de cernes, par ces motifs représentés dans un espace sans profondeur repris aux maîtres de l’estampe japonaise. “Quel éblouissement d’abord, se remémora quelques années plus tard Maurice Denis, et ensuite quelle révélation ! Au lieu de fenêtres ouvertes sur la nature, comme les tableaux des impressionnistes, c’étaient des surfaces lourdement décoratives, puissamment colorées et cernées d’un trait brutal, cloisonnées, car on parlait aussi, à ce propos de cloisonnisme et encore de japonisme. Nous retrouvions, dans ces œuvres insolites, l’influence de l’estampe japonaise, de l’image d’Épinal, de la peinture d’enseigne, de la stylisation romane.”