Observateur attentif de la question migratoire, Mochizuki Hiroki met en cause la légèreté des autorités sur ce sujet.
Quel avenir pour l’immigration au Japon ? Est-ce que ce pays est prêt à accueillir des travailleurs étrangers ? Nous avons interrogé l’écrivain et chroniqueur Mochizuki Hiroki, rédacteur en chef du webzine Nippon Fukuzatsu Kikô [Japon : un voyage complexe] qui s’intéresse au sort de la communauté étrangère au Japon.
Quand et pour quelles raisons avez-vous lancé Nippon Fukuzatsu Kikô ?
Mochizuki Hiroki : Ce webzine a été créé par l’Association japonaise d’aide aux réfugiés afin de diffuser des informations sur ses activités. Par la suite, il a été décidé de s’intéresser à tous les étrangers qui vivent, étudient et travaillent au Japon et à leurs rapports avec les Japonais. Ces relations peuvent avoir pour cadre des ONG locales ou des associations soutenant les immigrés ; elles peuvent concerner des Japonais ayant des relations plus étroites avec des étrangers. Un exemple typique sont les relations amoureuses entre des femmes philippines et des hommes japonais. Je me suis même rendu aux Philippines pour rencontrer des enfants philippins-japonais issus de telles relations. Personnellement, mon intérêt pour ce sujet dépasse largement l’Archipel. Avant même que l’immigration ne devienne un sujet très controversé ici, je suivais ce qui se passait en Europe et en Amérique, notamment avec la montée des partis politiques qui s’opposent à l’immigration.
Récemment, même au Japon, le nombre d’immigrés a fortement augmenté.
M. H. : C’est exact, même si la première vague a eu lieu dans les années 1990.
J’ai entendu dire que de nombreux immigrés résident dans la préfecture de Saitama, au nord de Tôkyô, où vous êtes né.
M. H. : En effet. Il y a beaucoup de réfugiés kurdes à Saitama. En outre, la ville de Kawaguchi compte une forte communauté chinoise. La société HLM Shibazono Danchi à Kawaguchi en a fait l’annonce, car la moitié de ses locataires sont des Japonais âgés qui y vivent depuis de nombreuses années, tandis que l’autre moitié est composée de familles chinoises nouvellement arrivées et d’autres étrangers de moins de 30 ans. Là bas, plusieurs cultures cohabitent et on voit apparaître des problèmes. On a, par exemple, reproché aux immigrés d’être bruyants et de ne pas respecter les règles relatives à la gestion des déchets. Il y a même eu des cas de manifestations dirigées contre les étrangers. Mais les deux groupes ont finalement été en mesure de mieux communiquer l’un avec l’autre et j’ai entendu dire qu’à présent, les choses vont beaucoup mieux entre eux.
L’année dernière, le gouvernement a adopté une nouvelle loi visant à augmenter le nombre de travailleurs étrangers – en particulier de travailleurs non qualifiés – au Japon. Qu’en pensez-vous ?
M. H. : Plus précisément, le gouvernement envisage d’accueillir jusqu’à 350 000 travailleurs étrangers au cours des cinq prochaines années. Je sais que cette loi a reçu un accueil contrasté, mais pour moi, il s’agit d’un faux problème, compte tenu du nombre d’immigrés vivant déjà au Japon. Avant les années 1990, par exemple, moins d’un million d’étrangers vivaient ici, mais à la fin de l’année dernière, on en recensait quelque 2,7 millions. En d’autres termes, la présence étrangère au Japon a presque triplé au cours des 30 dernières années et la plupart des nouveaux arrivants sont des immigrants économiques originaires du Brésil, de Chine et du Vietnam. Il y a ensuite les étudiants, qui, pour la plupart, occupent des emplois à temps partiel dans des konbini (voir pp. 6-7), des usines ou des entreprises de distribution de journaux.