Tel un chroniqueur, Yoshimura Akira rapporte de façon détaillée les événements liés au séisme dévastateur de 1923.
Chaque 1er septembre marque le jour de la prévention des sinistres (bôsai no hi) dans l’Archipel. Dans tout le pays, on peut voir la population participer à des exercices destinés à la préparer à réagir en cas de catastrophe naturelle. Au Japon, on pense bien sûr aux séismes qui font partie du quotidien et on se souvient surtout de celui qui frappa, le 1 septembre 1923, la région de Tokyo à onze heures cinquante-huit minutes et quarante-quatre secondes. «Les enquêtes détaillées faites ultérieurement montrèrent que le premier mouvement, vertical, était situé à 140,1° E et 35,3° N, et qu’après la première secousse, longue de douze secondes, les suivantes avaient duré dix minutes ; l’épicentre se trouvait bien à cent kilomètres de Tokyo dans la baie de Sagami, et le séisme avait duré environ une heure et vingt minutes», note Yoshimura Akira dans Le Grand tremblement de terre du Kantô. Ce récit-document d’une très grande précision permet de saisir toutes les conséquences de ce cataclysme qui a provoqué des dégâts considérables et entraîné la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes. S’appuyant sur une documentation riche et variée ainsi que sur les témoignages de survivants, l’écrivain rapporte ce qui fut la première grande tragédie de l’histoire mouvementée du Japon au XXe siècle. Ce qui rend particulièrement captivant ce récit, c’est cette volonté de dresser un bilan détaillé du séisme, mais aussi d’analyser le comportement parfois irrationnel des hommes dans ce genre de situation tragique. Yoshimura insiste notamment sur le rôle néfaste de la rumeur. Celle-ci se propagea aussi vite que les incendies qui ravagèrent les villes touchées par le séisme. L’absence d’informations fiables donna ainsi lieu à de folles histoires qui eurent elles-mêmes des conséquences tragiques. Les rumeurs concernant des attaques menées par des Coréens furent sans doute les plus terribles, car elles se traduisirent souvent par des assassinats d’individus dont le seul tort était d’être originaire de Corée. Responsables de ces exactions, les milices d’autodéfense créées pour la circonstance entendaient se substituer aux autorités civiles et militaires dépassées par les événements. L’auteur rappelle le contexte politique et social de l’époque, ce qui permet aussi de mieux comprendre les réactions des Japonais face à cette catastrophe. On ne peut pas s’empêcher en lisant ce livre de comparer ce qu’il décrit avec de récentes tragédies comme le séisme qui a ravagé Port-au-Prince le 12 janvier 2010. La nécessité de se préparer au pire et d’assurer une bonne information après coup s’avère décisive en cas de séisme majeur. C’est la principale leçon qu’ont retenue les Japonais du grand tremblement de terre du Kantô.
G. B.