L’ancienne capitale voudrait bien faire un peu d’ombre à sa voisine Kyôto qui monopolise trop l’attention des touristes.
Nara aux couleurs éclatantes, comme les fleurs qui s’épanouissent odorantes, dans sa pleine beauté ». Ce poème du Man.yôshû, la première anthologie de poésie japonaise daté du VIIIe siècle, résume parfaitement la splendeur de cette cité qui, il y a 1300 ans, est devenue la capitale impériale lorsque la cour s’y est installée en 710. A l’époque, elle portait aussi le nom de Heijô-kyô. Elle est rapidement devenue une magnifique ville, car son apparence était un élément essentiel pour asseoir le prestige du souverain. Construite sur le modèle de la ville chinoise de Chang’an, capitale de la dynastie de Tang, Nara était certes plus petite, mais elle a vite compensé sa taille par la beauté de ces édifices à caractère politique ou religieux. « Quand le lieu où viennent les délégués des autres pays n’est pas majestueux, comment la vertu du souverain pourrait-elle se manifester ? » pouvait-on lire dans un document de l’époque, justifiant la décision des autorités de remplacer les toits de planches et de chaume par des tuiles et d’obliger les maisons à être peintes en rouge et blanc. L’ambition était grande et les souverains, qui se sont succédé à la tête du pays, ont tout fait pour que Nara puisse être aussi belle que son modèle chinois. La Chine était alors la référence. Il s’agissait d’être à la hauteur, car Nara était l’aboutissement de la fameuse Route de la soie. Le magasin donné au Tôdai-ji, le célèbre temple bouddhique construit entre 745 et 752, par la veuve de l’empereur Shômu montre l’extrême variété des objets dont certains ont subi des influences venues aussi d’Asie centrale ou encore de Perse.
Treize siècles plus tard, la majesté de Nara est toujours là, même si la présence de Kyôto à une quarantaine de kilomètres a un peu éclipsé la première capitale japonaise à avoir instauré le régime des Codes. Voilà pourquoi les autorités locales ont décidé de mettre les bouchées doubles pour s’assurer que cet anniversaire soit l’occasion de redonner à la ville sa place légitime dans le cœur des visiteurs. Elles ont vu grand, en restaurant notamment l’ancienne salle d’audience impériale dont l’inauguration, le 24 avril 2010, a marqué le lancement officiel des festivités du 1300e anniversaire, lesquelles s’étaleront tout au long de l’année. Plusieurs événements auront lieu pendant cette période. Ainsi, le temple Abe Monju-in, qui abrite la plus grande statue de Monju Bosatsu (7 mètres) du Japon, expose jusqu’au 30 novembre ce symbole de la sagesse divine sans le lion qu’il chevauche afin de permettre aux visiteurs de mieux en mesurer la beauté. C’est exceptionnel puisque c’est la première fois depuis 790, date de sa réalisation. De la même manière, le temple Murô-ji, où l’on trouve la plus petite pagode à 5 étages du pays, va permettre au public d’en voir l’intérieur pour la première fois de son histoire. Un rendez-vous à ne pas manquer entre le 11 et le 26 septembre.
Le bouddhisme est très présent dans la ville. Le Tôdai-ji en est une des plus belles illustrations. Dans l’enceinte du temple se trouve notamment la Salle du Grand Bouddha (Daibutsu-den) qui est la plus grande construction en bois du monde. Un superbe édifice qui abrite une statue de Bouddha de 16 mètres de haut. Manifestation de l’influence culturelle étrangère sur laquelle la culture japonaise a continué de se bâtir, la religion bouddhiste est venue de Chine. Pour marquer l’importance de ces relations avec le grand voisin continental, le Musée d’histoire de Heijô-kyô a fait construire une réplique grandeur nature d’un vaisseau utilisé par les envoyés de l’empereur qui se rendaient en Chine pour en rapporter les dernières tendances. Le musée organise aussi jusqu’au 7 novembre de nombreuses activités mettant en évidence le rôle décisif de Nara dans l’histoire du pays.
Une promenade dans la vieille ville, Naramachi, est aussi recommandée pour s’imprégner de l’atmosphère de cette cité qui vaut bien qu’on y passe au moins deux jours. Si l’on y ajoute les daims qui se promènent en liberté dans les parcs et n’ont rien de farouche, les arguments pour en découvrir « sa pleine beauté » sont réunis. N’hésitez pas à y faire étape et vous ne le regretterez pas. Souvenez-vous que l’on n’a pas tous les jours 1300 ans et que cela doit se fêter de la plus belle des manières.
Gabriel Bernard
Pratique :
Pour s’y rendre : D’Osaka ou de Kyôto, compter environ 40 minutes par train.
Sur place :
Plus d’infos : Depuis juin 2008, le trimestriel anglophone Nara Explorer est devenu une bible pour les touristes étrangers de passage dans l’ancienne capitale impériale. L’objectif de Yonehara Ryô et Okubo Aya, qui s’occupent de cette publication gratuite et diffusée dans les organismes d’informations touristiques, est de permettre aux visiteurs de profiter pleinement de la richesse
de leur ville. D’après eux, celles-ci n’est pas suffisamment défendue.
A l’occasion du 1300e anniversaire de la fondation
de la capitale, Nara Explorer propose à ses lecteurs des informations pratiques et accessibles sur toutes les activités qui se déroulent pendant la célébration.