Bernard Béraud en compagnie d’une partie de l’équipe des éditions Ilyfunet qu’il a fondées en 1974. / Tanaka Yûsuke Dans la vie, il y a deux types de personnes : les donneurs de leçons, et ils sont très (trop ?) nombreux ; et, beaucoup plus rares, donc chers, chéris, les donneurs de chances. Bernard Béraud était de cette race, un donneur de chances. Sans lui, Zoom Japon existerait-il ? Sans lui, les Éditions Ilyfunet n’auraient pas vu le jour, ni Espace Japon, ni OVNI, et le “goût du Japon” de l’auteur de ces lignes ne se serait sans doute pas ancré aussi profondément dans son esprit.Qui était Bernard Béraud, disparu fin juillet dans la moiteur estivale ? À une époque où rares étaient les Français (les Occidentaux ?) qui s’aventuraient au Japon, Bernard découvre “presque par hasard” ce pays au sortir de l’adolescence, à la fin des années 1950. Fasciné par la vitalité de la population nippone, il s’y installe en tant que journaliste, s’intéresse au cinéma, effectue les sous-titres de La Pendaison (Kôshikei, 1968), le chef-d’œuvre d’Ôshima Nagisa, violente diatribe contre la peine de mort institutionnalisée et le racisme anticoréen. Au cours des années 1960, il se crée un solide réseau parmi les intellectuels et les créatifs japonais, réseau que cet homme fidèle en amitié a conservé toute son existence. Il croise notamment les militants opposés à la guerre du Vietnam, dont les idéaux convergent souvent avec ceux qui luttent contre les expropriations de fermiers pour la construction du futur aéroport international de Narita. De cette expérience, il tire le matériel nécessaire à la rédaction de l’ouvrage La Gauche révolutionnaire au Japon (Le Seuil, 1970).Rentré en France, Bernard fonde avec son épouse Ozawa Kimie, dans un petit local à Belleville, les éditions Ilyfunet (littéralement “Le bateau qui entre au port”). Désormais, sa vie va se confondre avec son entreprise, à son image, empreinte de modestie mais sûre de sa démarche et dénuée de vaines prétentions. Il est épaulé dans sa tâche par Horiuchi Seiichi, un graphiste japonais réputé rencontré à Tôkyô. Avec lui, séduit par son approche et par Paris, l’éditeur novice lance en 1974 le périodique ilyfunet-defunet (Le bateau qui entre au port et celui qui en sort), tout premier périodique en japonais destiné à la communauté nipponne installée dans la capitale française. C’est l’ancêtre...