Après le saké et le whisky, les producteurs de l’Archipel se font remarquer avec leurs gins inspirés par le terroir local.
Les gins artisanaux sont en train de devenir la nouvelle boisson à la mode au Japon. Non seulement les petits producteurs mais aussi les grandes firmes de whisky comme Suntory ou Nikka se mettent à distiller leur “Japanese gin”.
Le Japon n’est évidemment pas le précurseur de cette mode. C’est une tendance mondiale. En Angleterre, là où n’existaient qu’une dizaine de fabricants il y a vingt ans, 300 distilleries de gin tirent le marché aujourd’hui. Au Japon, la mode a été lancée il y a trois ans, avec la marque Kinobi, un gin fabriqué à Kyôto qui s’est fait remarquer en gagnant le prix international il y a deux ans.
Le gin est une boisson spiritueuse de plus de 40 degrés, fabriqué à partir de malt et d’herbes macérées. Il est souvent utilisé comme base de nombreux cocktails. Pour qu’il puisse s’appeler “gin” les baies de genièvre doivent entrer dans sa composition, mais c’est la seule contrainte. Le choix du malt (de maïs, de seigle, d’orge…) et des herbes est laissé à la liberté de chaque producteur.
Cette versatilité explique pour une bonne partie le succès de cette boisson, car il est facile de donner une personnalité au goût. Au Japon, plusieurs producteurs ont imaginé des gins au toucher “japonais” : on voit, dans des ingrédients macérés, du sanchô, des fleurs de cerisiers, du thuya, du gingembre, du yuzu, des feuilles de shiso… Parfois le thé vert gyokuro, l’algue kombu, le champignon shiitake ou même les navets secs sont macérés pour évoquer l’umami propre au goût japonais.
Plus qu’une touche japonaise, le choix des herbes est aisément lié au terroir. Par exemple, dans la région de Wakayama, au sud de Kyôto, grande productrice d’agrumes, la distillerie Kozue propose un gin avec des arômes de zeste de mandarine et de citron, tandis que la distillerie Sakurao de Hiroshima utilise le genièvre local.
On peut également choisir les ingrédients pour l’élaboration du malt ; en général, il est à base de céréales, mais au Japon, les producteurs de shôchû essaient de proposer un alcool à base de riz ou de patates douces, et les producteurs d’awamori, l’alcool distillé d’Okinawa, préparent leur gin sur la même base de riz long que la boisson traditionnelle, pour plus de saveur.
Les bars spécialisés en gin commencent également à apparaître. A Jimbôchô, quartier des librairies de seconde main à Tôkyô, Cocktail works a une belle liste de gins artisanaux japonais, ainsi que de cocktails à base de gin. Le Tokyo family restaurant à Shibuya propose des plats de plus de trente pays, et un choix de plus de 400 gins. Le festival du gin a eu lieu à Tôkyô depuis deux ans.
Certains voient dans cette mode une sorte de facilité, pour cette relative simplicité à élaborer son propre mélange. D’autres disent que la mode a été créée pour parer à la rupture du stock des whisky ces dernières années.
Quels que soient les motifs marketing derrière cette tendance, qui existent de toute façon pour tous les produits à la mode et pas seulement les boissons, on peut aussi y voir le désir des consommateurs de déguster des boissons “botaniques”. La mode semble bien correspondre à l’air du temps, à une aspiration vers la nature.
Sekiguchi Ryôko