L’écrivain revient sur les raisons pour lesquelles elle a choisi d’écrire une nouvelle sur le confinement. Pendant dix-huit jours consécutifs, la nouvelle Acclamations de Harada Maha a été publiée en ligne sur les comptes Twitter et lnstagram de la romancière. Le 16 avril, nous avons eu l’occasion d’échanger par courriel avec elle au sujet de ce travail, depuis diffusé dans son intégralité dans la rubrique “La petite galerie de Maha” de son site Internet officiel. Pourquoi avoir décidé de sérialiser pendant dix-huit jours la nouvelle Acclamations sur les réseaux sociaux ? On sentait bien le caractère autobiographique de l’histoire, que ce “je”, c'était vous-même. Mais pourquoi avoir adopté la forme d’une nouvelle plutôt que d’exprimer vos pensées du moment sur Twitter ?Harada Maha : J’ai un pied à Paris et l’autre à Tôkyô ; je navigue régulièrement entre les deux. Chaque fois que je viens à Paris, il y a une magnifique exposition à voir et je peux me documenter autant que j’en ai besoin. C’est pourquoi, ces cinq ou six dernières années, j’ai écrit plusieurs romans d’art qui se déroulaient à Paris.Cette fois-ci, une exposition d’une envergure inédite avait été organisée au Musée du Louvre pour commémorer le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci, et je me suis arrangée pour pouvoir m’y faufiler le dernier jour (le 24 février). Il y avait une foule et un enthousiasme considérables, quand j’y repense, les trois facteurs majeurs de propagation d’un virus étaient réunis : des pièces fermées, des rassemblements, de la proximité. J’ai joué des coudes avec des Français et des Italiens pour visiter l’exposition, mais j’étais la seule Asiatique du lot. Le coronavirus sévissait alors en Chine ; même au Japon, un foyer était apparu dans un navire de croisière, ce qui avait commencé à causer des problèmes. Il n’y avait alors pas le moindre sentiment de crise à Paris, et la pandémie semblait juste se dérouler dans une contrée lointaine. Vous seriez passé pour un fou si vous aviez dit que trois semaines plus tard, toute la ville serait confinée. Mais j’ai tout de même trouvé ça bizarre, de ne croiser aucun autre Asiatique à l’exposition. Que les touristes d’origine asiatique disparaissent d'un coup alors qu’ils avaient jusqu’à présent inondé les rues… j’ai pensé que cela témoignait de la gravité de la situation.Peu de temps après, le nombre de personnes contaminées par le coronavirus a commencé à augmenter en Italie, ce qui a fait l’objet de nouvelles quotidiennes en France au cours de la première semaine de mars. J’avais comme un vague pressentiment que les musées allaient être fermés dans peu de temps, alors j’ai une nouvelle fois été au Louvre, le dernier jour de février, pour voir le vase de Mésopotamie que j’avais découvert là-bas il y a une dizaine d’années, celui qui serait “la plus ancienne pièce du Louvre”. J’ai publié sa photo sur Instagram. Puis, le lendemain, le Louvre a vraiment fermé : je me suis dit que ce n’était pas anodin.Finalement, le confinement a été imposé deux semaines plus tard, et je me suis retrouvée à la fois partie prenante et témoin d’un événement historique. Comme je l’ai écrit dans Anmaku no Gerunika [Guernica Undercover, éd. Shinchôsha, inédit en France], il y a eu un moment en 1940 où l’Allemagne nazie a envahi la France et occupé Paris. Quand j’ai réalisé que j’assistais à un instant de bascule très similaire, j’ai voulu en conserver une trace, et c’est ainsi que j’ai eu l’idée d’écrire à la volée une petite histoire. J’avais bien pensé à commenter la situation sur Twitter, mais les réseaux sociaux, c’est un média d’immédiateté, tout y disparaît dans le flux. Ils ont un caractère éphémère ; c’est là leur grande différence avec la fiction. Je voulais rapporter la réalité autour de moi aussi bien comme écrivain que comme témoin de l’Histoire. Voilà pourquoi La Peste de Camus est actuellement relue dans le monde entier. Moi, je voulais partager ce moment avec mes lecteurs et en laisser une trace pour l’ère post-coronale. C’était ma principale motivation à l’écriture d’Acclamations. Vous vous trouviez à Paris durant le confinement, une ville très différente du Japon au moment de l’état d’urgence. Quel type d’émotion prédominait en vous dans cette capitale animée qui s’était soudain claquemurée ? La surprise ? La peur ?H. M. : Ma plus grande surprise a été de constater que tout s’était mis en place à une telle vitesse (5e jour). J’ai été étonnée par cette puissance ...