Face à l’incapacité du système scolaire à accepter les élèves différents, une école de Tahara les accueille et les forme. La ligne à voie unique Atsumi dans la préfecture d’Aichi relie Toyohashi à la gare de Mikawa Tahara, située à 18 kilomètres. Chacun de ses dix trains de trois voitures est peint d’une couleur différente et porte le nom d’une fleur. Celui dans lequel j’ai pris place est le Tsubaki (camélia) de couleur verte.Je n’avais jamais entendu parler de la ville de Tahara ni de la péninsule d’Atsumi, semblable à un pénis, où elle se trouve, jusqu’à ce que je lise un article dans le quotidien anglophone Japan Times sur Yuzuriha Gakuen, une organisation à but non lucratif qui gère un institut pour les futôkô, ces élèves qui refusent d’aller à l’école. Comme mon voyage m’avait conduit à Nagoya, je leur ai envoyé un courrier et ils m’ont invité à visiter leur école. “Nous sommes sur le point d’entrer dans la période des vacances d’été, disait leur courrier, le moment est donc bien choisi car nous avons beaucoup de temps libre. Vous pourrez séjourner chez nous. Toutes les chambres ont une vue sur l’océan. Vous pourrez également voir le coucher de soleil sur la baie de Mikawa.”Kutsuna Tomohiko et Kazuko, fondateurs et directeurs de l’école, dirigent Yuzuriha Gakuen depuis 2001. Kazuko était auparavant enseignante dans un collège, mais elle a décidé de quitter son poste après être entrée à plusieurs reprises en conflit avec la direction au sujet de la façon dont le système scolaire traitait les élèves, en particulier les enfants aux capacités et aux besoins, particuliers qui n’entraient pas dans le moule du système éducatif uniforme du Japon. “Dans ce pays, il n’y a qu’une seule façon de faire les choses. Tu dois avoir la même apparence, utiliser le même papier et faire exactement comme tout le monde. Si tu ne le fais pas, ton professeur ou tes camarades de classe (parfois les deux) te malmèneront”, m’a-t-elle confié.L’étape suivante pour Kazuko a été d’ouvrir une école libre avec Motohiko, qui est peintre. “Nous avons commencé avec deux élèves et nous en avons maintenant environ 80. Jusqu’à présent, quelque 370 enfants ont terminé le lycée alors qu’ils étaient sous notre responsabilité.” Certains d’entre eux sont à Yuzuriha Gakuen depuis 12 ans. “Chacun d’entre eux a une histoire. Pour nous, la meilleure récompense est de les voir à l’école, année après année, surmonter leurs problèmes et construire leur propre vie”, raconte-t-elle.Elle me montre de magnifiques dessins réalisés avec des crayons de couleur. “Cette fille en particulier est devenue une peintre assez douée”, dit-elle. “Elle a fait ces dessins quand elle était à l’école primaire. Aujourd’hui, elle doit avoir environ 26 ans. J’apprécie qu’ils restent en contact même après avoir quitté notre école. Nous avons souvent des nouvelles d’eux, par exemple lorsqu’ils se marient ou ont un bébé.”“En janvier dernier, nous avons été invités au mariage de l’un de nos anciens élèves. Il est exceptionnellement intelligent. Lorsqu’il fréquentait le collège public, il était tellement en avance sur ses camarades de classe qu’il comprenait instantanément tout ce que son professeur lui expliquait et n’avait même pas besoin de prendre des notes. Mais cela mettait le professeur en colère car il considérait son comportement comme un manque d’effort. Cela lui a valu d’avoir un comportement assez violent. Il gardait une batte de baseball près de lui et cassait les choses quand quelque chose...