Conséquence de la crise sanitaire, la baisse de la consommation de saké met la filière sens dessus dessous.
L’impact de la pandémie se fait sentir parfois comme une bombe à retardement, et dans des domaines plus étendus qu’on pourrait le penser. Au Japon, ce sont les producteurs de saké, et de riz à saké qui font face à un grand bouleversement. De la même manière que le raisin pour le vin, la production de saké nécessite un type de riz bien précis, appelé sakamai (riz à saké). Le grain, dont la partie extérieure est éliminée lors du polissage, est d’une taille plus importante que celui destiné à la consommation. Sa culture requiert plus de travail et une plus grande technicité notamment à cause de la hauteur, plus grande, de ses épis.
Les producteurs de saké sont inquiets : la consommation de saké au Japon s’effondre depuis un an et demi. La politique pratiquée par le gouvernement japonais visant à interdire la consommation d’alcool dans les restaurants a été un coup dur dans le milieu de la restauration. En conséquence, la production de riz à saké a diminué de 13 % en 2020, parfois plus : elle a chuté de 40 % dans la préfecture de Hiroshima (voir Zoom Japon n°84, octobre 2018). Et malgré cette baisse de production, les stocks de riz sont supérieurs aux années précédentes.
Le problème, c’est qu’il est difficile de remplacer le riz consommé dans les foyers par cette variété. Mal pourvu en protéines, gras et acides aminés, le riz à saké n’est pas approprié pour être utilisé dans la cuisine. Le saké demandant des conditions de conservation délicates, souvent dans un réfrigérateur, les producteurs de saké ne peuvent se permettre d’avoir davantage de stocks pour sauver les riziculteurs. Et bien que le saké maturé pendant plusieurs années (koshu, jukuseishu) soit apprécié notamment à l’étranger, son volume d’exportation n’est pas suffisant non plus pour être davantage mis en réserve à cet effet. Cette année, une partie des producteurs de riz à saké se sont lancés dans la culture d’autres variétés de riz, comme celle destinée au bétail, subventionnée par l’Etat. Mais les méthodes de culture étant différentes (quantité, types d’engrais, etc.), une fois que le sol a été aménagé pour du riz à bétail, il faut attendre plusieurs années pour pouvoir de nouveau produire du riz à saké.
Si cette situation perdure, les agriculteurs vont devoir renoncer à la culture du riz à saké, ou même stopper leur activité, car si elle a été possible jusqu’alors, c’est surtout grâce à des producteurs souvent âgés, à la tête d’exploitation de petite taille.
La région champenoise, qui a connu une période difficile l’année dernière, voit les ventes de champagne repartir à la hausse grâce à la reprise économique dans d’autres pays étrangers. Mais le saké ne bénéficie pas encore de ce marché international, même s’il commence timidement à se faire connaître depuis quelques années.
En recueillant les témoignages des producteurs de saké, nous avons l’impression qu’il n’existe aucune issue possible, sauf de changer entièrement le système de coopération agricole japonais, ce qui n’est pas une mince affaire.
En attendant, nous ne pouvons que soutenir de manière individuelle le monde du saké, en espérant que le jour où la pandémie sera enfin derrière nous arrive le plutôt possible au Japon.
Sekiguchi Ryôko