Ogura Hiraku croit depuis des années aux avantages de ce processus au point de développer des projets touristiques.
Le fermentation-tourisme ? C’est le néologisme que propose Ogura Hiraku (https://hirakuogura.com), qui se présente comme “designer-fermentation”. Anthropologue de formation, ce japonais de 38 ans a ouvert, il y a quelques années, un espace dédié à la fermentation, Hakkô Departement (littéralement “grand magasin de fermentation”), constitué d’une boutique de produits fermentés, d’une librairie et d’une cantine. Il a également publié plusieurs ouvrages dont Nihon Hakkô Kikô (Le carnet de voyage de la fermentation au Japon, inédit en France) dans lequel il recense différentes méthodes de fermentation pratiquées autour de l’Archipel, parfois en voie de disparition. Ce passionné a monté cet automne un projet appelé “Hakkô tourism”, tourisme autour de la fermentation, mettant en lumière la région de Hokuriku (région sur la côte de la mer du Japon où se situent les préfectures de Niigata, Toyama, Ishikawa et Fukui). Ce projet s’articule autour d’une exposition-mère qui explique la culture de fermentation de Hokuriku et de mini-expositions dans chaque région où des boutiques permettent d’acheter directement sur place des produits fermentés. En plus des expositions, il est possible de participer à des ateliers et à des voyages organisés sur le thème de la fermentation, en collaboration avec une compagnie de chemin de fer japonaise, pour aller visiter des auberges de cuisine traditionnelle, des fabriques de saké, de miso (voir Zoom Japon n°125, novembre 2022), de vin, de fromage, ou encore des agriculteurs de riz pour le saké.
Ogura Hiraku explique que pendant la pandémie, la fréquentation dans son Hakko
Department a augmenté. Selon lui, les Japonais sont davantage soucieux de leur santé. Aussi, il remarque que surtout chez les jeunes, il y a un vrai intérêt pour le phénomène de fermentation lui-même, au-delà de la consommation de bons produits. La jeune génération trouve que la fermentation, c’est “cool” et qu’une sorte de “pop culture” de la fermentation commence à s’installer au Japon. Mais derrière, il y a aussi la quête d’un nouveau mode de vie. Une proposition alternative et écologique à la société actuelle qui redonne son importance au local, et au temps lent.
La grande particularité de ce projet fermentation-tourisme est qu’il touche plusieurs domaines. Ce n’est pas simplement une promotion des produits fermentés, ni juste une exposition où on est là de façon abstraite pour apprendre des choses sur l’histoire et la culture de la fermentation, on peut aussi en “vivre” l’expérience, en visitant les fabriques et discutant avec des producteurs, artisans ou des cuisiniers. Ce n’est pas non plus une opération régie par une municipalité, c’est un projet privé en dehors de tout intérêt territorial où les acteurs régionaux et les institutions régionales peuvent s’impliquer. Cela fait des années que l’agritourisme est en vogue dans de nombreux pays, comme l’intérêt pour la fermentation, mais rarement on n’a vu un tourisme s’articuler autour de ce thème encore nouveau et inconnu pour beaucoup.
Le mot “designer” est de plus en plus employé pour définir un métier qui donne une forme (concrète ou abstraite) à une pensée. Sur ce point, on peut dire que c’est un vrai “design”, voire un nouveau mouvement que Ogura Hiraku est en train de réaliser.
Sekiguchi Ryôko