Dans le quartier de Yoyogi-Uehara, à Tôkyô, les boutiques ont sorti leurs décorations de Noël dès le mois de novembre. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Tradition importée d’Occident, cette fête a rapidement été adoptée par les Japonais qui en apprécient la chaleur. En décembre, lorsque les jours deviennent progressivement plus froids et plus courts, les illuminations prennent le devant de la scène dans toutes les villes japonaises à la tombée de la nuit, et on peut entendre des chants de Noël un peu partout. Le Japon a une longue histoire d’amour avec la culture occidentale, et Noël est l’une des festivités préférées des Japonais.Il peut sembler étrange qu’un pays non chrétien célèbre Noël. Après tout, seul 1 % environ de la population revendique une croyance ou une affiliation chrétienne, et tous les principauxévénements religieux tournent autour du shintoïsme ou du bouddhisme. Cependant, les Japonais sont non seulement très tolérants en matière de religion, mais ils ont aussi une longue tradition d’importation de cultures et de coutumes étrangères qu’ils intègrent à leur mode de vie.Bien que l’importation en masse de la culture occidentale n’ait commencé qu’à l’époque Meiji (1868-1912), le premier contact significatif du Japon avec le christianisme remonte au XVIe siècle. En 1552, en effet, Cosme de Torres, un jésuite et l’un des premiers missionnaires à atteindre l’Archipel, a invité des croyants japonais dans l’ancienne province de Suô, partie orientale de l’actuelle préfecture de Yamaguchi, pour célébrer ce qui est devenu la première messe de Noël jamais organisée au Japon.Cependant, peu après, le christianisme est tombé en disgrâce auprès des autorités. En 1587, avec l’édit de Bateren (Bateren-ki), Toyotomi Hideyoshi a interdit toute activité missionnaire. Puis, à la suite de la rébellion de Shimabara (1638), le shogunat d’Edo a exécuté 37 000 personnes, obligeant les quelques survivants à pratiquer leur foi en secret pendant plus de 200 ans, jusqu’à la levée de l’interdiction du christianisme au début de l’ère Meiji.Après l’expulsion des commerçants et des missionnaires portugais du Japon, le comptoir néerlandais de Dejima, à Nagasaki, est resté la seule île sûre où l’on pouvait célébrer Noël. A ces occasions, les fonctionnaires du shogunat et d’autres Japonais ayant un lien avec la mission étrangère, comme les universitaires néerlandais, étaient également invités. En outre, il arrivait que des Japonais vivant à Nagasaki et connaissant bien les Pays-Bas fêtent Noël en imitant leurs coutumes. Des représentants du comptoir commercial néerlandais visitaient régulièrement Edo, et l’on raconte que les officiels Tokugawa étaient curieux de connaître la cuisine et la culture néerlandaises, notamment la façon dont ils célébraient le Nouvel An.Apparemment, Masaoka Shiki, l’un des quatre grands maîtres du haïku (les trois autres étant Matsuo Bashô, Yosa Buson et Kobayashi Issa) a été le premier à mentionner Noël dans un poème. Son premier haïku lié à Noël est paru en 1892, alors qu’il avait 25 ans :Rôhachi no atoni kashimashi kurisumasu (Après Rôhachi / vient le Noël bruyant).Rôhachi est un événement bouddhiste qui a lieu début décembre. A l’époque, Shiki semblait penser qu’après un événement aussi solennel, Noël était un peu trop bruyant et il ne l’aimait pas vraiment. Cependant, il changea rapidement d’avis et consacra chaque année pendant les sept années suivantes un haïku à ce qu’il commençait à considérer comme une occasion joyeuse. C’est ainsi que クリスマス (kurisumasu/ Noël) est devenu le premier mot saisonnier en katakana (syllabaire utilisé pour transcrire les mots d’origine étrangère) à faire son apparition dans la poésie japonaise.Le pionnier des illuminations de Noël au Japon serait Meidi-ya (Meiji-ya), un supermarché haut de gamme qui se trouvait autrefois dans le quartier huppé de Ginza à Tôkyô. Son fondateur, Isono Hakaru, avait étudié en Angleterre et voulait recréer au Japon ce qu’il avait vécu à l’étranger. Les premières décorations de Noël ont été exposées en 1900, après le déménagement du magasin de Yokohama à Ginza. On ne sait pas à quoi cela ressemblait à l’époque, mais il existe une photo des années 1920 où l’expression anglaise Merry Xmas (Joyeux Noël) est bien visible. Le poète de tanka Kinoshita Rigen est un autre intellectuel dont l’imagination a été saisie par la nouveauté : Meidi-ya no Kurisumasu kazari-tô tomorite kirabiyaka nari konayuki ori-dezu (Les lumières de la décoration de Noël de Meidi-ya scintillent / et il commence à neiger). Ce poème a été inclus plus tard dans les manuels scolaires des lycées.Les illuminations de Meidi-ya firent une telle impression que les gens venaient de loin pour les voir et que d’autres magasins commencèrent à mettre en place des décorations similaires. Cependant, le shopping lui-même restait limité, car la plupart des familles n’avaient pas les moyens de s’offrir les superbes marchandises exposées. Par conséquent, les premiers acheteurs de Noël étaient des personnes fortunées aux goûts raffinés qui s’intéressaient à la culture occidentale “exotique”.Indépendamment des achats, l’illumination de Noël est restée une caractéristique importante de la saison des fêtes. Près d’un siècle après la campagne pionnière de Meidi-ya, la Kobe luminarie, festival des lumières à Kôbe, a été organisée pour la première fois en décembre 1995. La ville portuaire avait été frappée par un terrible tremblement de terre en janvier, et ce nouvel événement a été organisé en mémoire des victimes et en faveur de la reconstruction de la ville. A cet égard, l’illumination était considérée comme une “lumière d’espoir” et un symbole de rétablissement. Bien...