Le célèbre cuisinier s’est lancé un défi en donnant au véganisme une nouvelle impulsion qui ne manque pas d’intérêt.
Il y a trois ans, nous avons présenté la nouvelle tendance de la cuisine végane au Japon (voir Zoom Japon n°97, février 2020), mais cette tendance connaît de nouveaux développements très “japonais” si l’on peut dire : raffinée, sensible à la saisonnalité et au terroir, se rapprochant de la cuisine des moines. Le livre de recettes de la gastronomie contemporaine végane qui vient de paraître en est la preuve. Vegan Gastronomy, rédigé par Noda Kôtarô, le chef du restaurant Faro à Ginza, y propose une cuisine épurée et mûre en réflexion, digne d’une haute-cuisine.
Le livre est à la fois pédagogique et esthétique, et nous change bien des idées conçues sur la cuisine végane. En 11 chapitres, il explique l’usage des huiles parfumées, la réaction amino-carbonique, la recette du beurre végan mais aussi comment préparer les shôyu-asperge, shôyu-tomates et shôyu-pain, déclinant la méthode des condiments traditionnels japonais de fermentation (voir Zoom Japon n°125, novembre 2022) …
Le chef n’est pourtant pas vegan lui-même. Ce qui est intéressant, c’est qu’il s’est donné ce défi pour approfondir sa connaissance de la cuisine occidentale. Comment une cuisine, une gastronomie occidentale, reste-t-elle possible en lui ôtant ce qui est considéré comme ses plus solides piliers, les produits laitiers et les protéines animales ? C’est comme demander à un architecte de construire sans utiliser la pierre ni le bois. Et cette recherche lui a permis de développer, non seulement des plats de substitution extrêmement bien exécutés tels que les fromages végans et les pasta sans œufs, mais aussi la recherche sur les potentialités des arômes et des saveurs végétales.
Cela revient aussi à métamorphoser l’univers de la cuisine végane et son image. Tout ce que les autres éprouvent comme des difficultés devient pour Noda objets de défis, une voie vers la découverte d’un pan inconnu de la cuisine et des produits.
Le sommet du livre, me semble-t-il, est le chapitre où il raconte sa collaboration avec les cuisiniers du mont Kôya, qui évidemment pratiquent la cuisine des moines (shôjin ryôri). La cuisine végane est pour ce chef un langage qui ne le cantonne pas dans une expression étroite, mais ouvre des nouvelles portes sur les cultures culinaires. “Je croyais que le shôjin ryôri était une cuisine stricte, sévère, qui excluait le côté plaisant du repas. Or, en me formant au mont Kôya, j’ai eu l’impression de frapper à une nouvelle porte libératrice, et j’ai compris que l’univers de cette cuisine est très vaste”, raconte-t-il. Les plats présentés devant nos yeux viennent avec une image à la fois sophistiquée, résolument contemporaine et gourmande.
Le véganisme a été importé au Japon dénué de son idéologie d’origine, et est considéré comme une voie d’inclusion culinaire. Le chef Noda ouvre encore une autre voie à la gastronomie végane, donnant envie à tout le monde de la goûter et cette contribution est précieuse.
Sekiguchi Ryôko
Références
Vegan Gastronomy, de Noda Kôtarô,
Ed. Shibata shoten, 2023
(bilingue anglais japonais), 5500 yens.