Avec La Beauté du geste, le cinéaste réalise un formidable film sur le destin improbable d’une boxeuse malentendante.
Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons”. Ces paroles du boxeur Mike Tyson auraient pu être prononcées par Keiko, la protagoniste de La Beauté du geste (Keiko, me wo sumasete), film réalisé par Miyake Shô. En effet, ce long-métrage, tourné en 16 mm pour lui donner une touche documentaire, raconte l’incroyable destin d’Ogasawara Keiko, première femme malentendante à obtenir une licence professionnelle de boxe au Japon, qui s’est “battue” pour atteindre son objectif. Sorti sur les écrans depuis le 30 août, le film montre à la fois la détermination et les doutes de cette boxeuse interprétée avec brio par Kishii Yukino de manière tellement réaliste que l’on croirait vraiment être devant un documentaire. Il lui a fallu non seulement apprendre la boxe, mais aussi maîtriser le langage des signes pour entrer parfaitement dans la peau de ce personnage hors du commun. Le réalisateur a su créer les conditions pour qu’elle exprime son jeu et donne à son personnage une puissance et en même temps une fragilité qui ne laisse personne indifférent. Beaucoup seront tentés de comparer le film avec celui de Clint Eastwood, Million Dollar Baby (2004), qui explorait aussi l’univers de la boxe féminine, mais La Beauté du geste possède la dimension réaliste que n’avait pas l’excellente réalisation américaine. Le choix du format, le 16 mm, doit beaucoup à cela et lui donne à certains égards des accents de Raging Bull réalisé en 1980 par Martin Scorsese qui avait, lui aussi, réussi à filmer la boxe et surtout la tension entre rêve et réalité.
Le milieu de la boxe est sans doute la meilleure illustration de la difficulté et de l’engagement nécessaire pour aller au bout de ses envies. Le film décrit très bien l’indispensable assiduité et la motivation sans faille dont chaque personne impliquée doit faire preuve. Cela vaut bien sûr pour les sportifs eux-mêmes, mais aussi pour l’entourage. Cest à ce niveau aussi que le long-métrage de Miyake Shô se distingue. En décrivant les difficultés rencontrées par le club de boxe auquel Keiko est affilié à travers notamment la bataille que mène son dirigeant (Miura
Tomokazu) contre la maladie, le cinéaste met l’accent sur le combat permanent auquel chacun est confronté et que l’on ne remporte pas toujours à l’instar de la boxeuse lorsqu’elle est sur le ring. C’est là qu’on s’aperçoit que les propos de Mike Tyson ne reflètent pas la réalité. Bien sûr, il faut être persévérant et endurant pour avancer, mais cela ne garantit pas de gagner à tous les coups. Keiko en fait l’expérience.
Voilà pourquoi La Beauté du geste est un excellent film. Au lieu de se concentrer seulement sur la dimension sportive, Miyake Shô a beaucoup insisté sur les épreuves quotidiennes (son travail, son frère, son environnement) qu’elle doit surmonter avec énergie. Grâce au talent de Kishii Yukino qui donne à son personnage une épaisseur incroyable qui encaisse de nombreux coups, ce film coup-de-poing est un vrai coup de cœur.
Odaira Namihei