Avec Au revoir l’été, le jeune cinéaste montre l’étendue de son talent et installe définitivement son nom dans le 7e art.
On s’est habitué avec le cinéma japonais à découvrir des œuvres souvent originales et abordant de manière subtile l’âme de ses contemporains. Au revoir l’été de Fukada Kôji n’échappe pas à cette approche qu’on pourrait qualifier de classique. En effet, le réalisateur ne cache pas son admiration pour Naruse Mikio, son illustre prédécesseur dont les films ont souvent porté sur une envie de comprendre le fonctionnement des êtres humains. “La place de Naruse dans ma cinéphilie est essentielle. Il n’est d’ailleurs pas anodin que l’un des personnages de mon film Hospitalité se prénomme Mikio. La comparaison est peut-être violente, mais la place qu’il occupe est aussi importante que celle que j’accorde à Eric Rohmer, tant je perçois de similitudes dans leur cinéma”, confie Fukada Kôji. De toute évidence, l’intérêt qu’il porte ainsi au Français se retrouve aussi dans ses films et dans la façon dont il aborde les sujets. Et puis, on est frappé par la place centrale qu’il accorde aux femmes comme a pu le faire Rohmer. Comme lui, il cherche à en percer le mystère. Dans Au revoir l’été, c’est un élément important. En choisissant de transporter ses deux personnages principaux, Sakuko et sa tante Mikie, dans le village natal de cette dernière pour des vacances studieuses, le cinéaste nous entraîne dans une lente et poétique transformation des comportements des deux femmes qui s’opère au contact de deux autres personnages, masculins ceux-là. Ukichi, l’ancien amant de Mikie et gérant d’un love hotel clandestin, et Takashi, un réfugié de la région de Fukushima, vont ainsi perturber le déroulement programmé de leur séjour. Compte tenu du sujet, on aurait pu penser que le jeune réalisateur laisserait à ses comédiennes toute latitude pour exprimer leurs propres émotions par rapport à ces changements. “Je ne fais que très peu d’improvisation. Au revoir l’été était très précisément écrit, à 90 %, y compris les répliques mal dites ou les moments où certains personnages se trompent. Je considère que la mise en scène commence dès l’écriture. Les sentiments et pensées des protagonistes naissent de cette organisation”, explique Fukada Kôji très sûr de son fait. Cette maîtrise quasi totale ne provoque pas pour autant l’ennui. Malgré un rythme lent lié à la torpeur de l’été, le film ne manque pas de ressort dans la mesure où le cinéaste tente d’ouvrir son film au monde qui entoure ses personnages. C’est en cela que l’on retrouve l’influence de Naruse Mikio. “Ce qui m’intéresse est la plupart du temps de restituer une vision du monde selon le croisement des regards des protagonistes. J’aimerais ainsi faire apparaître un monde à part entière”, assure-t-il. Il y parvient avec brio. Il aborde de nombreux sujets qui font ressortir certains traits du Japon actuel. Il ne le fait pas de façon brutale, mais avec cette subtilité qui permet en définitive de faire mouche plus efficacement. Même s’il envisage d’aborder prochainement la question nucléaire de façon plus frontale, Fukada Kôji le fait très bien avec Takashi. Au revoir l’été ne se limite pas à une exploration des sentiments mais donne au bout du compte un regard sur le Japon contemporain qui ne manque pas de nous interpeller. Chapeau M. Fukada.
Odaira Namihei
Références :
Au revoir l’été (Hotori no Sakuko) de Fukada Kôji. 2013. 2h06. Avec Nikaidô Fumi, Tsuruta Mayu, Taiga, Furutachi Kanji et Sugino Kiki. Dist. Survivance. En salles le 17 décembre.