Les plats japonais n’échappent pas à l’influence des réseaux sociaux. Pour le meilleur et pour le pire.
Cela fait un moment que les tendances en cuisine et en pâtisserie, comme dans d’autres domaines, naissent sur les réseaux sociaux. Concernant la cuisine japonaise, on peut donner plusieurs exemples au cours de ces dernières années comme : l’omuraisu, les mochi, l’okonomiyaki, les onigiri, le matcha shake, les dorayaki, le karaage, le gâteau mille crêpe, les sando et le pain de mie. Aujourd’hui, c’est au tour du melon pan (pain sur lequel on enduit une pâte sucrée à l’arôme artificiel de melon) ou du bâumkuchen de commencer à occuper le terrain sur les réseaux.
Les raisons de cette tendance sont variées. Parfois, cela s’explique par le côté spectaculaire comme l’omuraisu en forme de fleur de rose ou comme les copeaux de katsuobushi (bonite râpée) sur l’okonomiyaki qui dansent sous l’effet de la chaleur. Leur charme visuel, comme les fruits sando au motif de fleurs, peut aussi expliquer cet engouement tout comme le retour aux goûts régressifs comme les pains de mie. Ces modes ne viennent pas toujours du Japon. La mode du macha trouverait son origine aux Etats-Unis et il existe des déclinaisons coréenne et taiwanaise des karaage. Parfois, c’est le résultat d’influences mutuelles, ces différentes versions pouvant connaître des évolutions propres qui finissent soit par se ressembler, soit par faire émerger une nouvelle recette. Ainsi les fruits sando, d’origine japonaise, sont également devenus à la mode dans les pays asiatiques.
Ces tendances ne viennent pas forcément du Japon, on l’a vu. Plusieurs restaurants ou marques proposant ces délices japonais en France ne sont pas japonais. Et les équipes qui conçoivent ces mets ne sont pas japonaises non plus. Ces spécialités japonaises semblent avoir gagné un autre statut que leurs aînés ; désormais l’“authenticité” n’est plus déterminante. On est là pour consommer uniquement l’image du Japon, ou des plats du moment. Ce sont aussi des préparations qu’on peut décliner de mille façons différentes, comme l’onigiri ou le mochi dont les saveurs peuvent être adaptées au palais local.
Souvent, les consommateurs ne connaissent ni l’histoire, ni l’origine et le contexte culturel de ces plats. Ils sont consommés simplement comme des produits du moment pour être ensuite délaissés après un temps plus ou moins long. La cuisine japonaise n’est pas la seule victime (souvenons-nous récemment de la vogue à Paris du croissant cookie– une espèce de croissant fourrée à la purée de noisette) et il n’y a pas de raison d’interdire de “jouer avec les plats”, des choses réjouissantes peuvent parfois naître et certains plats pourraient peut-être devenir un classique de demain, comme le “california roll”. Toutefois, aujourd’hui, le rythme est sans doute un peu trop rapide pour qu’un plat s’installe durablement sur une scène culinaire. A la différence des échanges culturels culinaires d’autrefois où c’était d’abord les produits qui avaient voyagé, aujourd’hui ce sont d’abord les images qui circulent avant même qu’on goûte le plat en question, raison pour laquelle il peut s’évaporer aussi vite qu’il est apparu.
Sekiguchi Ryôko