Le Grand Palais, à Paris, rend un très bel hommage à l’un des artistes japonais dont l’influence a bouleversé les arts.
C’est à un voyage que l’exposition Hokusai, l’un des événements de cette rentrée 2014, vous invite. Un voyage extraordinaire réalisé par un homme qui a consacré une grande partie de sa vie à observer des choses ordinaires, le quotidien de ses contemporains pour les sublimer et dont le prénom est devenu une référence planétaire dans le monde des arts. A l’instar du poète Bashô, le père des haikus, qui avait en permanence la bougeotte, Hokusai a lui aussi pratiqué son art en se déplaçant sans cesse. Au cours de son existence – il est décédé à l’âge de 90 ans – il a déménagé pas moins de quatre-vingt-dix fois sans compter ses nombreux déplacements pour réaliser ses carnets de croquis et ses fameuses Trente-six vues du mont Fuji dont la plus célèbre, Dans le creux d’une vague au large de Kanagawa, constitue l’œuvre de référence de l’artiste au même titre que La Joconde pour Léonard de Vinci.
Il était donc “naturel” que les organisateurs de cette magnifique exposition la choisissent pour orner l’affiche et de nombreux produits dérivés. Il est vrai que l’on est attiré par la force qui s’en dégage et qu’on ne peut pas imaginer un événement comme celui du Grand Palais sans la présence de cette vague prête à engloutir les barques des pêcheurs et à faire disparaître le mont Fuji que l’on aperçoit au fond. Mais comme il s’agit d’une exposition ambitieuse et destinée à offrir au public une idée la plus large possible du talent de Hokusai, les œuvres rassemblées collent parfaitement à l’objectif que ses promoteurs s’étaient fixé. Il aurait fallu bien plus que le Grand Palais pour accueillir l’ensemble de la production du maître des estampes, tant ce dernier a dessiné pendant toute sa vie. Ne s’était-il pas autoproclamé “le vieux fou de peinture” ? On lui doit des milliers d’œuvres dont une partie tout à fait représentative a trouvé sa place dans les vitrines et sur les murs du Grand Palais. On y trouve plus de 500 réalisations de l’artiste. Les plus célèbres comme Vent du sud, ciel clair (le Fuji rouge) côtoient des peintures animalières ou les surimono, ces gravures en une seule feuille réservée à une clientèle exigeante qui vont lui permettre de bâtir sa réputation au début de sa carrière.
L’intérêt de cet événement rare est de mettre en valeur la diversité de son travail, sa capacité à traiter toutes sortes de thèmes et de sujets ainsi que son sens aigu de l’observation. On le retrouve notamment dans ses carnets de croquis (Hokusai manga) auxquels une salle entière a été réservée. Non seulement ces recueils soulignent la dextérité de l’artiste avec son trait enlevé et sa maîtrise du mouvement, mais ils permettent de découvrir le quotidien du Japon de la manière la plus simple. C’est un vrai régal. Hokusai n’a jamais cessé de regarder le monde qui l’entourait pour le restituer de belle manière. A mesure que l’on avance dans le temps, il exprime de plus en plus son talent. Il est ambitieux. Son rêve est de vivre jusqu’à 110 ans, estimant que “tout ce que j’ai produit avant l’âge de 70 ans ne vaut pas la peine d’être compté”. C’est tout à son honneur de vouloir toujours faire mieux, mais après avoir pu voir des œuvres issues de toutes les périodes de sa vie, y compris celles de sa jeunesse, on ne regrette pas que les collecteurs et les commissaires de l’exposition aient décidé de ne pas tenir compte de son avis et d’exposer cette extraordinaire production commencée en 1778 et achevée en 1879.
Gabriel Bernard
Infos pratiques :
Hokusai Jusqu’au 18 janvier 2015 avec une période de relâche entre le 21 et le 30 novembre.
Dimanche de 9h à 20h, lundi de 10h à 20h, mercredi, jeudi et vendredi de 10h à 22h, samedi de 9h à 22h. Fermé le mardi.
Billets : www.grandpalais.fr ou 01 44 13 17 17
Références :
Un artiste à lire et à relire
A l’occasion de l’exposition Hokusai au Grand Palais, de nombreux éditeurs publient ou rééditent des ouvrages consacrés à cet artiste très apprécié des Français. Il y a tout d’abord Le Catalogue intégral de l’exposition (50 €) avec ses 416 pages publié par la Réunion des musées nationaux (RMN). Outre les reproductions des œuvres exposées, plusieurs textes permettent de mettre en perspective le travail du peintre-graveur-illustrateur en fonction des différentes périodes de sa vie. Le même éditeur propose une sélection des œuvres dans Hokusai, l’expo (18,50 €) pour ceux qui veulent seulement garder quelques images de leur visite. Dans les deux cas, la photogravure est irréprochable. Un DVD est également proposé par la RMN et Arte (19,95 €). Il s’agit d’un documentaire inédit intitulé Visite à Hokusai réalisé par Jean-Pierre Limosin. De leur côté, les éditions Eyrolles sortent Hokusai, l’ouvrage de Woldemar von Seidlitz et Dora Amsden (21,90 €) qui fait un large tour de l’œuvre de l’artiste avec notamment un chapitre consacré aux estampes érotiques totalement absentes du Grand Palais et pourtant importantes dans son travail. Une façon plus originale d’aborder la vie de l’artiste est le manga d’Ishinomori Shôtarô que les éditions Kana rééditent à cette occasion. Hokusai (15 €) aborde, avec tout le talent que l’on connaît au mangaka, des épisodes de la vie de ce génie des estampes. Un bel hommage à celui qui a inspiré, dit-on, les auteurs modernes de manga. Enfin, les plus jeunes pourront se régaler avec Mitsou rêve du Japon de Michel Guillemot et Mariko Inoue publié aux Nouvelles Editions Scala (18 €). Un voyage initiatique d’un chat jaune dans l’archipel où les estampes ne sont jamais très loin.
Gabriel Bernard