Le Japon est actuellement confronté à une grave pénurie de riz (voir Zoom Japon n°149, avril 2025), que l’on présente désormais sous l’expression “émeute du riz de l’ère Reiwa”. Il est difficile d’identifier une cause unique, mais la population est tellement sensible à ce sujet que la déclaration du ministre de l’Agriculture, selon laquelle il n’a jamais eu à acheter de riz car il en recevait toujours gratuitement, a entraîné sa démission. Son successeur a aussitôt annoncé la mise en circulation massive de stocks de riz d’urgence. Ce qui m’intéresse ici, c’est l’attention nouvelle portée au riz de stock, autrement dit au riz ancien, ou komai. Le mot ko signifie “ancien”, et mai est une des lectures de l’idéogramme qui désigne le “riz”. Au Japon, où la fraîcheur du riz est reine, le “nouveau riz” (shinmai) est clairement distingué du komai, auquel on ajoute un ko de plus chaque année : le riz âgé de deux ans devient kokomai, trois ans kokokomai, considéré parfois comme destiné à l’alimentation animale.
Moi-même, quand je vivais au Japon, je ne trouvais pas bon le komai que m’envoyait ma grand-mère, et manger du kokomai était hors de question, car la famille recevait toujours du shinmai d’amis agriculteurs (comme l’ancien ministre !). Cela dit… en France, où l’on n’a pas facilement accès au riz fraîchement récolté du Japon, je me régale de riz basmati. Quand j’achète du riz japonica produit en Europe, c’est déjà du luxe. Et si, par chance, on m’offre du komai de Niigata, je le garde précieusement pour le manger seule, en secret.
Mais alors, quelle issue pour cette “crise du riz 2025” ? Faut-il que les Japonais s’habituent au riz importé ? Que les habitudes évoluent vers plus de pain ou de râmen ? Que l’on relance la culture du riz dans les rizières laissées à l’abandon (mais comment ?) ? Ou bien… attendons-nous de voir les agriculteurs bloquer les routes avec leurs tracteurs et des milliers de gilets jaunes ? (Au fait, est-ce que ça a résolu quelque chose en France ?)
Koga Ritsuko