Trois ans après le séisme du 11 mars, bon nombre de personnes vivent encore dans des logements provisoires.
Si la reconstruction progresse petit à petit depuis le séisme de mars 2011, ce que demandent les gens qui ont perdu leur maison, c’est un retour rapide à une vie normale grâce notamment à un logement. Construire une nouvelle maison ? Habiter dans un logement social ? Le choix se fait en tenant compte des diverses aides publiques, des moyens dont chacun dispose, de l’âge, de la configuration familiale et d’un projet d’avenir. En quittant un logement provisoire et en retrouvant un rythme de vie normale, comment la vie va-t-elle changer ? Imaginons-la au travers du récit d’une famille qui a emménagé en juillet 2013 dans un logement social du quartier de Nakazato à Ishinomaki.
La famille Saitô est composée du père, Hiroaki (34 ans) salarié, de sa femme (29 ans) et de leurs trois enfants. Leur nouvel appartement situé au rez-de-chaussée comporte trois chambres, un séjour-cuisine et pour les enfants, une chambre dont ils rêvaient.
En février 2011, juste avant l’entrée en maternelle de leur fille aînée, ils avaient quitté le quartier de Tsukiyama pour louer un appartement à Minamihama. Un logement qui leur convenait bien, surtout pour Hiroaki, amateur de pêche, qui voulait se rapprocher de la mer. Trois semaines après, au moment où ils commençaient à prendre leurs marques, le tsunami a brusquement rayé tout le quartier de la carte.
Ce jour-là, Hiroaki, parti travailler, était absent de chez lui. Sa femme, Emi, avertie par l’alerte au tsunami, s’était réfugiée avec ses trois enfants au lycée situé sur les hauteurs d’Ishinomaki. Toute la famille était saine et sauve, mais l’immeuble où ils vivaient a été emporté. Six mois durant, ils ont été hébergé chez les parents de Hiroaki dans le quartier d’Izumi, et Hiroaki a fait une demande pour un logement provisoire d’urgence, mais sans résultat. Par l’intermédiaire d’un ami, iIs ont finalement pu s’installer provisoirement dans un logement en location. Si Hiroaki lui sait gré de lui avoir retrouvé un lieu de vie plus calme, il se souvient que les deux pièces de 10 mètres carrés ne suffisaient pas pour 5 personnes. La municipalité d’Ishinomaki, de son côté, s’est mise à la recherche de logements sociaux sous contrat privé. Il s’agissait d’habitations respectant les règlementations municipales, mais construites par des sociétés privées que la municipalité réquisitionnait afin de les mettre à la disposition des citoyens pour une durée maximale de vingt ans.
Cette durée de 20 ans après laquelle il faut quitter le logement a fait hésiter les Saitô. Mais ils ont finalement décidé de franchir le pas. C’est ainsi qu’ils ont pu obtenir un logement de trois chambres avec un séjour-cuisine. En centre-ville, le loyer pour ce type de logement est d’environ 80 000 yens [580 euros]. Dans le cas d’un logement social sous contrat privé, le loyer varie selon le revenu. Pour la famille Saitô, grâce à diverses allocations, le loyer revient à un peu moins de la moitié de cette somme. S’ils avaient pu bénéficier d’un logement social sous contrat public, ils n’auraient pas eu de loyer à payer. Mais après mûre réflexion et avec le désir de se tourner vers l’avenir, Hiroaki a fini par trancher : “Arrêtons de déprimer, il vaudrait mieux être positif”.
“Dans notre précédent logement, je n’arrêtais pas de ranger le bazar des enfants. A force, j’étais, toute la journée, dans un état d’énervement pas possible”, se souvient Emi. Aussi, n’oublie-t-elle pas ce qu’elle a ressenti en recevant la clé du nouvel appartement. “C’était comme si l’on avait construit une nouvelle maison. Le plus important c’est d’avoir retrouvé une vie où l’on se sent en sécurité”, dit-elle en souriant.
Quant au problème du bail de 20 ans, Hiroaki y a beaucoup réfléchi en pensant aux enfants. “Normalement, on n’aurait pas choisi ce type de location. Mais le temps passe plus vite chez un enfant que chez un adulte. Je voulais faire au mieux pour eux, en leur donnant une pièce pour travailler. Dans 20 ans, nous devrons partir, mais personne ne sait comment sera la vie d’ici là”, explique-t-il. Leur priorité, c’est le présent. Mais Hiroaki pense que “tant que le loyer reste bas et en faisant des économies, on pourra peut-être bâtir une nouvelle maison…”. A ses côtés, sa femme approuve d’un hochement de tête. Depuis leur installation, Hiroaki est devenu membre du comité du quartier qui accueille, à bras ouverts, les habitants de ces logements sociaux reconstruits. Il participe activement à la vie communautaire.
A Ishinomaki, la ville la plus touchée par le séisme, on compte environs 28 000 personnes contraintes à une vie difficile dans les logements sociaux provisoires. Vu tout le temps passé, les résultats de la reconstruction sont encore bien médiocres. Il va sans dire que le pays, la préfecture et la ville se doivent de faire le maximum. S’il reste à chacun à reconstruire sa vie, il est à craindre que les inégalités s’accroissent entre les sinistrés. Pour ne pas laisser à leur solitude aussi bien les personnes âgées que les gens qui n’arrivent pas à penser à leur avenir, l’administration et les organisations concernées doivent tenir compte de leur angoisse et agir en conséquence.
Todokoro Ken’ichi et Akiyama Yûhiro
Une demande qui reste à satisfaire
La municipalité d’Ishinomaki envisage de construire 4000 logements sociaux, un record parmi les villes sinistrées par le séisme du 11 mars 2011. L’acquisition des terrains s’est faite progressivement. Les contrats pour acquérir les terrains ont été signés pour 2 134 foyers dans le centre-ville (sur 3250) et 383 foyers (sur 750) sur le littoral. En décembre 2013, 46 % des logements étaient construits. Sur 4 000 foyers, 1 369 sont en projet, 417 sont en construction et 40 ont été achevés et sont d’ores et déjà habités.
Dans les quartiers de Hebita et Watanoha qui constituent le centre-ville dans le cadre du plan Accélération du déplacement défini par le groupement de prévention des catastrophes, l’attribution des logements sociaux sous contrat public débutera à partir d’avril 2014 et les citoyens qui en bénéficieront pourront alors commencer à retrouver une vie normale.
Afin de mieux cerner la demande de ces personnes, la ville a instauré un système de pré-inscription pour les ensembles de logements à déplacer (集団移転団地) et pour les logements sociaux publics pour les sinistrés (復興公営住宅).
Selon les données de décembre 2013, la demande de logements publics dans le centre-ville dépasse le nombre prévu de 767, soit 4017 demandes au total. Or, 4126 foyers n’ont toujours pas donné leur réponse. Après une nouvelle enquête, la ville envisage de revoir à la hausse le nombre de foyers à pourvoir et fait pression auprès de la préfecture pour obtenir, au plus vite, de nouveaux logements publics.
Comme nous vous l’avions annoncé dans notre précédent numéro, nous entamons la publication d’une série d’articles rédigés par l’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le but d’informer les lecteurs sur la situation dans l’une des villes les plus sinistrées. Malgré ses difficultés, ce quotidien local continue à enquêter et à apporter chaque jour son lot de nouvelles. Si vous voulez le soutenir dans sa tâche, vous pouvez vous abonner à sa version électronique pour 1000 yens (7 euros) par mois : https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?command=enter&mediaId=2301