
Une forêt sombre, froide, frappée par des explosions assourdissantes, où les flammes dévastatrices et envahissantes sont la seule source de lumière et de chaleur. Tel est le décor qui inspire le nouveau roman de Mizubayashi Akira.
La forêt de flammes et d’ombres est le récit de Ren, jeune étudiant passionné par la peinture. Alors que la seconde guerre mondiale fait rage dans le pays, il intègre un centre de tri postal dans lequel il rencontre deux étudiants qui partagent tous deux son intérêt pour les arts et la culture française. D’un côté Bin Kurosawa, qui rêve de devenir violoniste professionnel, et de l’autre Yuki Arisawa, une jeune fille au caractère doux, elle aussi peintre.
Le quotidien des trois amis est bouleversé le jour où Ren est appelé sur le champ de bataille en tant qu’artiste de guerre. Il en revient meurtri et profondément marqué par la scène à l’origine de son infirmité, qu’il cherche à retranscrire en peinture tout au long de sa vie.
Un soin tout particulier est accordé au développement des personnages, dont on suit la pensée autant que celle de Ren. Leur relation est belle, pleine de bienveillance, d’amour et de sincérité. Elle est la douceur de ce roman, l’humanité dans la cruauté, un souffle d’espoir dans un monde dévasté.
Ceux qui connaissent Mizubayashi et les thématiques qu’il aborde de façon récurrente ne seront pas déçus par cet ouvrage, dans lequel la musique et l’art ont une place centrale. L’auteur continue à nous affirmer que la guerre, la mort et les situations les plus désespérées ne peuvent empêcher à l’art et à l’amitié de persister de façon inconditionnelle. Sous sa plume, la musique fait l’objet de magnifiques descriptions littéraires, mais si on a la curiosité d’écouter les œuvres mentionnées au fur et à mesure de la lecture, on saisit encore davantage la force d’évocation de ce roman ; on entre vraiment dans le monde que Mizubayashi cherche à nous faire découvrir.
Une lecture à la fois bouleversante et très touchante, dont on ne ressort pas indifférent.
“Etrangement, tous les quatre éprouvaient, à la vue de cette extraordinaire déflagration de couleurs et de formes fuyantes mais précises, à travers aussi les mystérieuses oscillations de lignes noires qui traversaient les deux tableaux, toute la douleur du peintre qui se confondait avec celle du monde.”
La forêt de flammes et d’ombres, Akira Mizubayashi, Éditions Gallimard, 2025, 288p, 21€.
Alexia Merrien pour Zoom Japon