En l’espace de cinq décennies, l’ancien quartier tranquille est devenu un des grands centres de la mode internationale. On ne le dira jamais assez, mais l’organisation des Jeux olympiques à Tôkyô en 1964 a eu un incroyable impact sur la physionomie de la capitale japonaise. Harajuku, qui fut pendant longtemps, un coin tranquille, célèbre pour ses rizières, s’est transformé en l’espace de quelques années après la désignation de Tôkyô comme hôte des XVIIIème Olympiades de l'ère moderne en un des hauts lieux de la culture et de la mode au Japon. Harajuku est devenu synonyme de lieu branché incontournable. Tout a commencé en 1958 lorsqu’ont été inaugurés les Harajuku Central Apartments aujourd’hui disparus et remplacés par Tôkyô Plaza Omotesandô. C’est l’endroit que des artistes et des intellectuels choisissent pour s’installer. Au rez-de-chaussée, c’est le café Léon qui ouvre ses portes et devient le repère de toutes ces têtes pensantes. A la différence du quartier voisin de Shinjuku, célèbre pour ses cinémas où l’on projette les films de la Nouvelle vague française et l’on prépare la révolution à la fin des années 1960, Harajuku apparaît davantage comme un lieu de création. Des artistes comme Sakamoto Ryûichi s’y rendent et prennent plaisir à se retrouver au café Léon. La mode prend peu à peu le pas sur le reste. En décembre 1973, le magazine an an, l’équivalent japonais de Elle, consacre pour la première fois un long reportage à Harajuku, accordant une belle place à ce lieu dont les jeunes femmes qui appartiennent à la “tribu AnNon” (AnNon zoku, en référence aux magazines an an et non-no très en vogue à l’époque) vont en faire leur lieu de prédilection. Les boutiques des jeunes créateurs attirent comme la présence d’artistes qui se produisent dans la rue. La jeunesse tokyoïte, en particulier les collégiens et les lycéens, profite de la décision d’interdire la circulation automobile sur Omotesandô pour se réunir et danser du matin à la tombée de la nuit. On les surnomme la “tribu des pousses de bambou” (takenoko zoku, en référence à la boutique Takenoko tenue par Ôtake Takenori où ils viennent s’habiller). A Harajuku, le spectacle est dans les rues et les rues changent petit à petit de physionomie. La rue Takeshita, à proximité de la gare, est celle qui a connu une des transformations les plus radicales. Cette longue ruelle qui abritait pendant des années ...