Ils sont très nombreux à s’être spontanément portés volontaires pour venir en aide aux sinistrés. Toutes nationalités confondues.
Après le tremblement de terre et le passage du tsunami du 11 mars dernier, le nord-est n’était plus que chaos. Des débris à perte de vue, des maisons détruites, des routes et des ponts brisés. Alors que les secours se mettaient en marche, de nombreux volontaires, de tous horizons, sont venus spontanément prêter main-forte.
Des Japonais mais pas uniquement. Beaucoup de “Japonais de cœur” n’ont pas hésité à retrousser leurs manches. Par solidarité, par altruisme. Si aujourd’hui, la phase de déblaiement est quasiment terminée, c’est aussi grâce à l’investissement de tous ces gens. Difficile encore de quantifier le nombre de personnes qui ont œuvré dans cette partie de l’archipel. Qu’ils soient restés un week-end, une semaine, ou plus longtemps, qu’ils soient venus seuls ou au sein d’une organisation, l’élan de solidarité a été fort et prononcé d’une seule voix.
Mai 2011. Nous sommes deux mois après le tremblement de terre. Jin Man-seo quittait sa Corée natale dans l’unique but d’être volontaire. “Lorsque j’ai vu ce qui se passait au Japon, j’ai été très ému. J’ai eu envie de me rendre utile. Avant cela, j’étais soldat dans mon pays depuis six ans donc j’avais des compétences dans ce type de situation d’urgence”, raconte-t-il. Mais c’était la première fois que Jin Man-seo prenait l’avion. “Les zones dévastées par le tsunami étaient pires que vous ne pourriez l’imaginer. On aurait dit une zone de guerre. Les maisons étaient détruites, les ponts à terre. Les voies ferrées impraticables. J’ai travaillé en tant que volontaire de mai à juin, puis en juillet. Les gens sur place ne cessaient de nous remercier de leur avoir apporté notre aide. Ils étaient si désemparés”, ajoute-t-il.
Robert Elliott est originaire de Philadelphie, aux Etats-Unis. Il travaille pour la branche japonaise d’une grande entreprise internationale de conseil en finance depuis presque trois ans. Profil de l’expatrié au train de vie aisé. “J’étais à Tôkyô en pleine réunion, au 29ème étage d’un building, quand la terre a tremblé. Nous sommes descendus par les escaliers et j’ai marché plus de trois heures pour regagner mon appartement. Arrivé chez moi, j’ai été vraiment choqué quand j’ai vu les images du tsunami à la télévision”, explique-t-il. En juillet 2011, Robert a voulu se rendre utile. Il a contacté l’organisation Peace Boat qui avait l’avantage de prendre aussi les volontaires qui ne maîtrisent pas la langue japonaise. “Nous étions huit dans le groupe ce week-end-là, de sept nationalités différentes. Arrivés sur place, à Ishinomaki dans la préfecture de Miyagi, nous étions 130.” Une vraie fourmilière. “Notre groupe en a complété un autre de vingt personnes qui devait déblayer à la main un vieux cimetière jouxtant un temple. Les deux étaient totalement détruits. Des hommes travaillaient là depuis des mois à soulever la boue et les débris toute la journée. Certains étaient assez âgés, mais ils continuaient leurs tâches non-stop sous une chaleur étouffante”, souligne-t-il non sans une pointe d’admiration.
Dans sa voix, un vrai sentiment d’accomplissement. “Ces gens ne cessaient de nous remercier de leur avoir apporté notre aide et nous ont invités au prochain festival qui serait organisé sur ce site. Dans le bus qui nous ramenait à Tôkyô, on était vraiment contents d’avoir donné un peu de notre temps. Je vais recommencer dès que possible”, ajoute-t-il.
D’autres volontaires ont poussé l’engagement encore plus loin. Comme Mickaël Martin. Egalement de nationalité américaine, il vit au Japon depuis neuf ans. Il étudie le japonais depuis de nombreuses années et a travaillé à Hokkaidô puis à Utsunomiya, dans la préfecture de Tochigi entre Tôkyô et la région dévastée par le tsunami, pour une société de recyclage d’équipements médicaux. Après le 11 mars, il a démissionné pour se porter volontaire à temps plein. “J’avais déjà l’intention de quitter cette entreprise, mais après le 11 mars, j’ai ressenti l’urgence d’aider les sinistrés et j’ai fait ce choix. Je me suis dit : si tu n’aides pas ton prochain dans une telle situation, quel genre de personne es-tu ?” Ironie du sort. “J’étais sensé prendre un train pour Sendai ce jour-là . Mon train était à 16 h 30 et la terre a tremblé à 14 h 46. J’aurai pu être sur les lieux au moment du drame. Je me suis senti terriblement concerné et j’avais envie d’aider ceux qui ont souffert et qui ont tout perdu”, explique-t-il.
S’il a été volontaire dans différentes villes sinistrées, c’est surtout à Minami Sôma que Michaël Martin a apporté son aide. “La ville est située près de la zone d’exclusion de la centrale de Fukushima Dai-ichi, les réfugiés, là-bas, sont sous le choc du tsunami, mais aussi de l’accident nucléaire. Ils sont très courageux”, insiste-t-il. Il a géré la livraison et la distribution de matériaux entre Tôkyô et la zone sinistrée. “Je me suis aussi occupé de restaurer des photos trouvées dans les décombres pour les mettre en ligne et tenter de retrouver les propriétaires. J’ai aussi pris beaucoup de photos pour un travail de mémoire auquel je voudrais contribuer”, confie le jeune homme. Aujourd’hui, Michaël Martin est, plus que jamais, décidé à rester au Japon. “Il est hors de question que je retourne aux Etats-Unis. Je reste dans cette partie du Japon. A vrai dire, je cherche actuellement un emploi et un logement dans la région de Sendai. Pour m’investir encore plus. Il y a encore tant à faire”, conclut-il.
Johann Fleuri
Interview : Michaël Martin, bénévole américain
Au Japon, on dit souvent que celui qui est gaijin reste gaijin. Un étranger.
Michaël Martin : En tant que volontaire, je n’ai jamais ressenti cela. Les habitants du nord-est étaient reconnaissants de l’aide que nous leur apportions. Ils étaient même un peu surpris de voir des gens originaires d’autres pays prêts à les aider.
Que ressent-on lorsque l’on arrive dans ces régions sinistrées ?
M. M. : Les sinistrés sont des personnes extrêmement résilientes : ils ont vécu un traumatisme énorme, mais ils tentent coûte que coûte de rebondir. A leur place, je pense que je n’aurai pas imaginé vivre un jour de plus… J’aimerais que le plus de personnes possible rencontrent ces gens. Je pense qu’entretenir un dialogue avec des personnes qui ont autant souffert, mais qui ne se sont pas résignée contribue à changer le cœur de n’importe qui. Cela donne envie d’aider son prochain. Les voir affronter l’adversité avec tant de force nous remplit d’humilité.
Le travail des volontaires touche-t-il à sa fin aujourd’hui ?
M. M. : Non, c’est loin d’être terminé. Il y a encore énormément à faire pour parler d’un retour à la normale. Beaucoup de gens pensent que tout va bien à présent, mais c’est faux. Il faudra de nombreuses années avant que la situation de la région se stabilise et retrouve un rythme de vie normale. Et avec l’immobilisme actuel du gouvernement, les choses ne bougent pas assez vite pour la population locale. Que l’on soit Japonais ou pas, il est impossible de voir tout ça et de rester insensible. On ne peut que se sentir impliqués et ressentir une profonde empathie.
Propos recueillis par J. F.