Je rêvais de vivre dans un pays où le temps coule à mon rythme. Je suis en effet une récidiviste des retards contrairement à mes compatriotes toujours ponctuels à leurs rendez-vous ou qui arrivent souvent en avance. Ma mère me répétait avec une sorte de désespoir : « Tu n’es pas faite pour être Japonaise… ».
Tout au début de mon arrivée en France, je me sentais très ponctuelle, en me retrouvant souvent la première dans des soirées malgré mes 10 minutes de retard. D’ailleurs, j’ai appris plus tard qu’en France, c’était même une politesse d’arriver avec un peu de retard, et que 15 minutes de retard restaient acceptables. Sans connaître la réalité, j’ai trouvé très humaine cette entente tacite. Mon instinct de challenger a alors commencé à repousser la limite et je suis redevenue la championne des retardataires. En même temps, je me rendais compte que beaucoup de Français étaient assez ponctuels, en faisant bien attention aux mots qu’ils emploient, innocemment mais assurément : “à” et “vers” dont je n’ai pas intérêt à ignorer la différence surtout lors de rendez-vous professionnels. Par contre, je ne sais toujours pas combien de temps on peut m’attendre quand on me donne un rendez-vous “à partir de”….
J’ai aussi mis du temps à comprendre la notion du temps à la française quand on me dit “Attends 2 secondes !”. Ces 2 secondes durent toujours plus de 5 minutes. Et “dans 2 minutes !” me fait attendre au moins un quart d’heure et “5 minutes” fait une demi-heure. Le pire, ce sont les fins de soirées. A partir du moment où l’on dit “on s’en va !”, il y a d’abord le “2 secondes, je finis mon verre” qui prend 20 minutes, puis il faut compter 15 minutes pour embrasser tout le monde et 20 minutes de plus pour parler devant la porte. Malgré mes efforts, je ne m’y habitue toujours pas et ce rite de courtoisie (?) me stupéfait encore.
Maman, je ne suis sans doute pas faite pour être Française non plus. Où dois-je aller maintenant ? Est-il trop tard ?
Koga Ritsuko