Avec ses innombrables caractères adoptés du chinois, le système d’écriture du japonais met nos yeux à rude épreuve.
Quand on a fait le choix, le bon, de se lancer dans une étude du japonais sans faire l’impasse de l’écrit, sans flancher sous la peur de cette montagne d’idéogrammes qui en décourage plus d’un, alors on s’engage à solliciter ses yeux comme jamais dans une démarche de longue haleine, un parcours d’endurance et de persévérance où le seul vrai travail dont il est question, un travail de mémorisation, repose en premier lieu sur l’activité de nos précieuses prunelles.
Car n’importe quel élève de première année en japonais en a fait l’expérience : la mémorisation des kanji passe par une assiduité visuelle au travail qui fatigue, voire use, nos délicates pupilles. Chaque nouveau caractère à étudier oblige à une dissection dans le détail. On commence par compter les traits, en se reprenant plusieurs fois car encore novice et pas toujours capable de savoir où commence et finit un trait. Pas plus expert en matière de clefs, on s’aventure dans le tableau de l’une d’elles que l’on croit avoir eu raison d’isoler comme telle, en vain parce que ce n’est pas la bonne ou plus radicalement parce que ça n’en est pas une. Parvenu enfin au bon tableau, il s’agit ensuite de déterminer le nombre de traits de la partie restante du kanji, ses autres composants. On voit trouble. Les yeux s’épuisent. Les lignes de la réalité de l’écriture nippone sont insaisissables?…
Heureusement, on n’est pas seul dans la bataille. Avec un bon équipement, l’apprentissage des kanji devient vite un vrai plaisir, celui, comme dans la découverte de vocabulaire, où l’esprit s’empare de nouveaux horizons pour mieux développer sa pensée. Depuis 2010, le nombre de caractères officiels est de 2141, le Ministère de la Culture japonais ayant ajouté 196 kanji aux 1945 de la liste jusqu’alors en vigueur. En France, les adeptes du numérique ont été les premiers encouragés à actualiser leurs sources grâce notamment à des applications pour smartphone telles que AsahiKanji. Développé pour l’iPhone, ce programme propose en français pour 2,39€ une aide plutôt efficace à la révision et à la mémorisation des kanji, avec pour les prétendants au JLPT, le fameux test d’aptitude en japonais, la possibilité appréciable de pouvoir travailler par niveau. Pour le tracé, il faudra toutefois passer par une autre application, comme par exemple ShinKanji qui, outre un apprentissage de l’ordre des traits renforcé par les animations, permet de retrouver facilement un kanji grâce à sa fonction de reconnaissance d’écriture.
Pour ce qui est des supports papier, les années passent et les valeurs sûres restent. Avec sa 5ème et nouvelle édition, Kanji & Kana, publié par la Librairie J. Maisonneuve depuis 25 ans avec un succès jamais démenti, propose un contenu complété des 196 nouveaux caractères et s’affiche encore aujourd’hui comme le compagnon d’étude idéal pour les débutants comme pour l’étudiant plus avancé. La grande majorité des questions que génère la découverte de toute la richesse du système d’écriture nippon trouvent dans ce manuel leur réponse. Et puisque nos yeux sont si délicats et qu’on en fait généralement peu de cas car quand on aime on ne compte pas, soulignons ce point pour le moins estimable : chaque kanji est imprimé en gros, selon une calligraphie certes tout à fait classique, voire académique, mais dont les lignes et les courbes sont un réel plaisir pour l’œil.
Pierre Ferragut
Pratique :
Le mot du mois
目 (me) : œil
日本にいる限り、どこへ行っても漢字が目に入ってくる。
Nihon ni iru kagiri, doko e itte mo kanji ga me ni haitte kuru.
Tant que l’on est au Japon, on voit des kanji où que l’on aille.