Ville natale du mangaka Mizuki Shigeru, Sakaiminato, cité portuaire plein de charme, rend hommage à ses personnages. Depuis la fin du mois de mars, les Japonais suivent avec passion le feuilleton diffusé sur la NHK à 8 heures tous les matins. Intitulé Gegege no nyôbô [La Femme de Gegege], il s’agit de l’adaptation télévisée de l’autobiographie de Mura Nunoe, épouse du célèbre mangaka Mizuki Shigeru, dans laquelle elle raconte notamment ses quarante années de vie commune avec l’un des géants encore vivants de la bande dessinée. Le succès de cette série a relancé l’intérêt du public pour l’œuvre de Mizuki et pour les lieux qu’il a pu fréquenter tout au long de sa vie. En France, le grand public a découvert son existence, en 2007, lorsque son manga NonNonBâ to ore [NonNonBâ, éd. Cornélius] a obtenu le grand prix de la bande dessinée au Festival d’Angoulême. Cette consécration internationale a permis à ceux que le manga faisait fuir de découvrir un univers unique fait d’histoires étranges dans lesquelles évoluaient des êtres bizarres, des monstres et des fantômes (yôkai) qui font partie du folklore japonais. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les œuvres de l’artiste Toriyama Sekien (1712-1788) qui a entrepris de recenser tous les monstres du Japon dans son fameux Gazu hyakki yakô [La Parade nocturne illustrée des monstres] parue en 1776. L’écrivain irlandais Lafcadio Hearn a fait découvrir aux Occidentaux l’histoire d’amour que les Japonais entretiennent avec les monstres et les fantômes au travers de Au Japon spectral (1899) et Kwaidan (1903) tandis que l’ethnologue japonais Yanagita Kunio, influencé par le travail de Hearn, s’est lancé, quelques années plus tard, dans un travail minutieux visant à chercher dans le folklore local toutes les histoires de monstre. Originaire de la petite cité portuaire de Sakaiminato, préfecture de Tottori, Mizuki Shigeru a été très marqué par les contes et les légendes que lui racontait une vieille domestique et dans lesquelles des êtres bizarres étaient omniprésents, comme il le rappelle dans NonNonBâ. Dès lors, toute son œuvre va être hantée par ces personnages. Parmi les titres les plus marquants et les plus populaires, Gegege no Kitarô [Kitaro le repoussant, éd. Cornélius] figure au premier rang. Il raconte les aventures d’un petit fantôme désabusé par la nature humaine. C’est d’ailleurs l’un des personnages de Mizuki que le voyageur rencontre en premier lorsqu’il décide de se rendre à Sakaiminato où, s’est-il laissé dire, on voue un culte particulier au maître du manga d’horreur. Le train qui relie le port à Yonago, principale ville la plus proche, a été décoré avec des reproductions de Kitarô. Elles mettent ainsi dans l’ambiance le visiteur qui, dès sa sortie de la gare, va se retrouver confronté à l’univers si particulier de Mizuki Shigeru. Fières de cet héritage, les autorités de la ville n’ont pas hésité à donner son nom à la rue principale qui descend de la gare. Le mangaka installé à sa table de travail est la première statue que l’on rencontre. Elle signale au touriste qu’il va pénétrer dans un autre monde envahi par plus d’une centaine d’êtres déformés parfois...