Pour accompagner un bon thé, rien ne vaut une pâtisserie japonaise. Higashiya est l’endroit à ne pas manquer.
Dès que l’on parle de thé japonais, le terme wagashi (pâtisseries japonaises) n’est jamais très loin. Après tout, ces douceurs complètent parfaitement ce délicieux breuvage . Créés il y a au moins 300 ans et désormais élément incontournable de la cuisine nippone (washoku), ces wagashi incitent les artisans locaux à poursuivre leurs expérimentations et à explorer de nouvelles voies dans leur confectionnement.
L’un de ces innovateurs, “créateur de mode de vie” s’appelle Ogata Shin’ichirô. D’abord architecte d’intérieur, il a œuvré avec succès à la conception des produits (ustensiles de cuisine et poterie, comme les beaux bols que vous trouverez sur les tables d’Alain Ducasse au Plaza Athénée à Paris) et dans le secteur de la restauration, toujours avec la même vision. “En me fondant sur la sensibilité japonaise et ma propre philosophie, je cherche à revitaliser la culture alimentaire japonaise. Je réinterprète les ingrédients traditionnels, le traitement de la nourriture et la vaisselle comme étant une entité unique, et je redéfinis l’acte originel de “manger”. Ma mission est de stimuler l’évolution des éléments de la tradition japonaise pour qu’ils restent pertinents aujourd’hui. À cet égard, la nourriture et l’alimentation ont un rôle crucial, car ils sont au cœur de la culture japonaise”, assure-t-il.
Quand on lui demande pourquoi il a été attiré par les wagashi, Ogata rappelle la longue tradition du washoku. “Manger est une activité quotidienne qui est essentielle à notre bien-être. Dans le même temps, la cuisine japonaise est célèbre pour l’utilisation des ingrédients de saison et le soin particulier appliqué à sa réalisation. On retrouve cela dans les pâtisseries. D’autre part, je me suis aperçu que les méthodes anciennes pour les réaliser n’étaient pas adaptées à la vie moderne et qu’il y avait donc de la place pour le changement”, explique-t-il. Il admet qu’il s’agit là d’un véritable défi. “Jusqu’à présent, vous aviez deux principales approches de la culture du wagashi. D’un côté, vous avez les élégantes boutiques disposant d’une longue histoire qui réalisent des douceurs pour les cérémonies et les événements familiaux importants et de l’autre côté, les simples boutiques de quartier qui vendent des dango (boulettes à base de farine de riz servies en brochette) et d’autres sucreries bon marché. Cependant, depuis quelque temps, les pâtisseries occidentales sont devenues la norme et les gens n’achètent des wagashi que pour des occasions spéciales. Mon but était d’aller au-delà de ces deux approches et d’adapter cette tradition à notre époque.”
Ogata Shin’ichirô estime qu’il a probablement réussi dans son entreprise, car il a su faire des choses qu’un initié n’aurait jamais osé faire. “Après tout, je ne fais pas les pâtisseries moi-même”, lance-t-il. “Mais ça ne fait rien. Je suis comme un architecte qui arrive avec un projet et demande aux charpentiers de construire la maison. Puisque nous parlons d’architecture et de design, je crois que, pour innover, il est indispensable de créer un nouvel environnement. Voilà pourquoi j’ai ouvert un certain nombre de restaurants, de boutiques et de “bars à thé”.”
La plus célèbre de ses créations est Higashiya, un “salon de thé moderne”, dont l’intérieur est clairement influencé par un sens de l’esthétique traditionnelle, sans fioritures. Elle est située sur Chûô-dôri, l’une des grandes rues du quartier chic de Ginza, dans le même bâtiment que le géant du cosmétique Pola, Ici, vous pouvez choisir parmi 30 types de thé japonais, d’un subtil matcha à un thé gyokuro plus fort. Mais les clients sont particulièrement attirés par sa large gamme de pâtisseries. Sa sélection qu’il présente comme “les pâtisseries de tous les jours” relève d’un équilibre entre les incontournables classiques et des créations originales, toutes inspirées par des spécialités régionales. Il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir, comme ce thé vert aromatisé blanc-manger (entremets à base de lait et de fécule de maïs) ou ce monaka spécial composé de deux gaufrettes entre lesquelles on trouve une pâte de haricot rouge aromatisée avec des épices tels que la cannelle, le clou de girofle ou la cardamome.
Higashiya est, selon son concepteur, le lieu idéal pour échapper au chaos et à la clameur de la ville. “Puisque nous sommes à Ginza, nous accueillons aussi de nombreux clients étrangers, surtout le week-end. Cela me ravit, bien que leur présence change quelque peu l’atmosphère globale du lieu. Idéalement, je souhaite que Higashiya soit un endroit plus calme.”
Même si le thé chez Higashiya est souvent éclipsé par les pâtisseries, il joue néanmoins un rôle important dans l’expérience des wagashi. Ogata Shin’ichirô assure qu’il dispose de tous les instruments nécessaires pour créer un nouveau style de thé. “Les tasses pour mesurer et celles pour les mélanges sont toutes en porcelaine, on y sert de délicieux thés et de sakés, et elles embellissent la préparation”, explique-t-il. “Les ustensiles à thé sont choisis avec soin. La vaisselle contribue à faire le goût. Sa sensation dans la main, sur les lèvres, ou encore sa texture et son poids ont de l’importance. Comme nous utilisons nos cinq sens pour savourer ce qui est servi, ceux-ci doivent être stimulés par une vaisselle adaptée.”
Autrefois grand admirateur du design occidental, Mr Ogata est devenu un ardent défenseur de la culture japonaise. “Quand j’étais jeune et que je ne savais pas grand chose sur le monde, j’avais une forte attirance pour le design occidental. Mais j’ai fini par m’apercevoir que les éléments culturels les plus étonnants se trouvaient en fait autour de moi, à la maison, et pas à l’étranger. Dans le passé, la culture japonaise a toujours influencé l’Occident. Aujourd’hui encore, elle est indispensable dans un monde en quête d’équilibre entre l’homme et la nature. C’est ce que je cherche sans cesse à exprimer à ma façon, à travers la nourriture, la vaisselle et l’espace”, souligne Ogata Shin’ichirô.
J. D.
Infos pratiques
Higashiya 52F Pola Ginza Bldg. 1-7-7 Ginza, Chûô-ku, Tôkyô 104-0061 – tél. 03-3538-3230 – www.higashiya.com –
Du mardi au samedi de 11h à 22h, le dimanche de 11h à 19h.