Depuis plusieurs mois, les rapports entre les médias et l’opinion publique se sont détériorés. Est-ce irréversible ? L e 21 juin dernier, le Tôkyô Shimbun, quotidien tokyoïte qui s’est beaucoup investi dans le débat sur l’énergie nucléaire depuis l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi (voir ici), a publié un petit article. Bon nombre de lecteurs peu attentifs l’ont sans doute passé sans le lire. Pourtant il valait son pesant d’or puisque le quotidien présentait des excuses. Il présentait des excuses pour ne pas avoir couvert les manifestations organisés depuis pluseiurs semaines autour de la résidence du Premier ministre après la décision de ce dernier d’autoriser le redémarrage de deux réacteurs à la centrale d’Ôi. Modestes dans un premier temps, elles ont très vite pris de l’ampleur sans pour autant réussir à intéresser les grands médias — presse écrite et chaînes de télévision — qui ont fait comme s’il ne se passait rien chaque vendredi en fin d’après-midi. Organisés par des associations anti-nucléaires, ces rassemblements n’étaient pas pourtant le rendez-vous des seuls militants. Relayant l’information via Twitter et les réseaux sociaux, les manifestations du vendredi sont très vite devenues un événement auquel toutes sortes de personnes ont voulu participer pour exprimer leur désir de voir enfin le gouvernement écouter leurs voix. Le 21 juin, le Tôkyô Shimbun s’est excusé On y croisait aussi bien des étudiants, des salarymen sortant de leur bureau, des grands-parents avec leurs petits-enfants, des mères de famille que de farouches opposants à l’énergie nucléaire, le tout dans une ambiance bonne enfant mais pleine de détermination. Aussi lorsque tous ces gens ont vu que leur mobilisation n’intéressait pas les médias, y compris ceux qui avaient pris position contre l’atome, leur sang n’a fait qu’un tour. Ils ont écrit. D’abord sur les réseaux sociaux pour exprimer leur colère et leur envie de résilier leur abonnement (au Japon, le taux d’abonnement aux journaux dépasse les 95 %). Puis, ils ont envoyé des lettres de protestation aux rédactions pour demander des explications. C’est à la suite de ces courriers que le Tôkyô Shimbun a réagi et publié ce court article dans lequel il tentait tant bien que mal de justifier l’injustifiable, car il lui était impossible de vraiment reconnaître son erreur de jugement. Toujours ets-il que cet événement illustre le fossé qui s’est creusé au cours des derniers mois entre les...