Premier film de Miki Takahiro, l’adaptation de Solanin est très réussie. A découvrir dans le cadre du Festival Paris Cinéma.
C’est un film que je voudrais voir plusieurs fois”. Telle a été la première réaction d’Asano Inio, l’auteur de Solanin, lorsqu’il a vu pour la première fois le long métrage adapté de son œuvre. Certains pourraient dire que cet enthousiasme est un peu exagéré surtout qu’il émane de celui qui a inspiré le film. Mais connaissant le personnage, on sait très bien que ses paroles sont sincères et que l’auteur a trouvé dans la première réalisation de Miki Takahiro de quoi le satisfaire. Non seulement le metteur en scène ne trahit pas son travail original, mais il lui donne une nouvelle dimension, notamment au travers des nombreuses scènes musicales au cours desquelles s’expriment les doutes et les convictions des personnages. C’est ce que le cinéma permet à la différence du manga dont il ne se dégage aucun son. Miki Takahiro a fait ses armes dans la réalisation de clips vidéo. Il était donc tout à fait à l’aise pour filmer les différentes scènes de musique, notamment le concert final d’une très grande intensité. Conscient de l’importance de la musique dans l’adaptation de son manga, Asano Inio a exigé que les acteurs soient capables de se produire sur scène. La production a tenu compte de la demande et a fait notamment appel à Kindô Yôichi, qui dans la vie réelle est bassiste du groupe Sanbomaster, de jouer le rôle de Katô, l’ami de Taneda et Meiko, pour qu’il apporte une dose supplémentaire de crédibilité lorsque les personnages répètent ou jouent sur scène. Sa présence, son côté bonhomme et son jeu lui confèrent une place importante dans le film aux côtés de Miyazaki Aoi (Meiko) et Kôra Kengo (Taneda), les deux vedettes de Solanin. La première avait déjà interprété un personnage tiré d’un manga, Komatsu Nana, dans le film Nana (2005) d’Ôtani Kentarô. Le second, qui a beaucoup tourné ces deux dernières années, semble apprécier les rôles de musicien puisqu’il apparaît au générique de Bandage, film de Kobayashi Takeshi produit par Iwai Shunji qui se déroule dans le milieu du rock. Ces deux jeunes acteurs au talent prometteur apportent beaucoup à la dimension dramatique de Solanin, avec beaucoup de finesse. Kôra Kengo dans la peau du jeune Taneda qui doute de tout, qui ne voit aucun espoir dans le futur joue son rôle avec justesse, notamment lorsqu’il se retrouve sur scène. La séquence du concert donné à l’occasion de la fête de fin d’étude est très forte. Taneda est à la fois dans son rêve, celui de pouvoir s’épanouir grâce à la musique, mais soudain il est rattrapé par la réalité. Alors qu’il entame l’ultime chanson du concert, il surprend ses compagnons et s’adresse au public d’étudiants avec une sorte d’énergie du désespoir, leur expliquant qu’ils ne doivent rien attendre du lendemain. En faisant passer la caméra du visage presque déformé d’un Taneda vers celui de Meiko dont le regard fixe avec insistance le chanteur, le réalisateur donne encore plus d’intensité à ce moment-clé du film qui se reproduira en toute fin lorsque le groupe, sans Taneda décédé, se reforme autour de Meiko pour interpréter LA chanson écrite par le défunt qui résume à elle seule l’état d’esprit d’une jeunesse résignée à vivre dans “cette vie faite d’au revoir”. Là encore, Miki Takahiro filme la scène à la manière d’un concert ordinaire à la différence près qu’il promène aussi sa caméra dans le public et s’attarde sur des visages visiblement émus par la chanson. Et le spectateur qui regarde le film est à son tour submergé par l’émotion. La boucle est bouclée. D’un manga sublime, Miki Takahiro est parvenu à tirer un film tout aussi impressionnant que l’on reverra avec plaisir et émotion, c’est sûr.
Gabriel Bernard
A voir
Festival Paris cinéma Cette année, le Festival Paris Cinéma a décidé de mettre le Japon
à l’honneur. Une initiative dont on ne peut que se féliciter puisqu’une centaine de films pour la plupart inédits en France seront présentés à cette occasion. Solanin figure parmi eux. Il sera présenté le 4 juillet à 19h30. En espérant qu’un distributeur avisé soit présent dans la salle pour permettre au film de connaître une distribution digne de ce nom en France.