En faisant découvrir quelques objets rares mais représentatifs de l’évolution des mentalités, la MCJP réussit bien son coup.
L’important, c’est l’œil, capable de déceler la beauté où elle se trouve”, explique Kashiwagi Hiroshi, spécialiste de l’art industriel. Nul doute que l’œil des visiteurs de l’exposition Les Arts décoratifs japonais face à la modernité 1900-1930 à la Maison de la culture du Japon à Paris (MCJP) trouvera de quoi satisfaire sa quête de beauté. Quelque 80 pièces réalisées au cours de cette période particulièrement fructueuse sur le plan des échanges culturels entre le Japon et l’Occident illustrent tout le savoir-faire d’artisans-artistes désireux d’associer à leur maîtrise technique des idées venues d’ailleurs. L’organisation des expositions universelles leur a permis de s’imprégner des mouvements alors en vogue en Europe comme l’art nouveau.
Cela s’est fait petit à petit, presque naturellement. Ma-tsubara Ryûichi, commissaire de l’exposition et conservateur au Musée d’art moderne de Kyoto d’où provient la plupart des objets présentés, a d’ailleurs fait un travail remarquable pour que le visiteur saisisse cette évolution. Partant de l’artisanat destiné à l’exportation grâce auquel les autorités japonaises entendaient, à la fin du XIXe et au tout début du XXe siècle, pouvoir faire le plein de devises, il souligne le sens de l’adaptation des Japonais qui répondent notamment à une demande forte d’émaux venue de l’étranger. Le vase en porcelaine blanche à décor de pivoines réalisé par Seifû Yohei III et le vase de Kutani à décor de dragons peint sous couverte signé Ishino Ryûzan en sont deux exemples concrets.
Grâce aux grands rendez-vous internationaux qui se multiplient à cette époque et où les nations représentées rivalisent d’idées pour attirer les regards, le Japon s’en sort plutôt bien. Ses artisans se déplacent et découvrent de nouvelles idées qu’ils vont chercher à mettre en application, tout en conservant certaines spécificités. “De nombreux artisans, dessinateurs et peintres venus à Paris pour l’Exposition universelle de 1900 sont fortement influencés par la rencontre avec cet art littéralement “nouveau” qui a pour caractéristique principale une grande richesse d’expression décorative, servie par un style fluide laissant libre cours à l’imagination”, rappelle Matsubara Ryûichi avant d’ajouter que “cette nouvelle influence occidentale est pour les artisans japonais l’occasion de se dégager de l’aspect “artisanal” de leur travail et de réaliser des pièces d’une puissance créative accrue.” En témoignent les bols à soupe en laque maki-e à décor de rossignols et fleurs de prunier de Kimura Hyôsai II ou encore les teintures yûzen prêtées par les industries Chiso qui sont de toute beauté.
Après l’art nouveau, c’est l’art déco qui influencera un artiste comme Yamazaki Kakutarô. Son nécessaire en laque pour fumeur le montre très bien. Puis, un nouveau tournant est pris. Les artistes se lancent dans la production d’objets dont les formes et/ou les décors s’émancipent. Désormais, “on peut parler d’art décoratif moderne”, nous dit le commissaire de l’exposition. La composition pour arrangement floral de Takamura Toyochika ou encore la boîte en nacre à décor de svastika de Kuroda Tatsuaki prouvent la capacité des artistes japonais à créer de nouveaux objets issus d’une réflexion qui s’est faite au fur et à mesure des mois et des années. La visite est presque terminée. L’œil est satisfait, il n’a vu que du beau. Il peut donc souffler un peu, en regardant le diaporama qui présente les grandes manifestations des deux premières décennies du XXe siècle. La boucle est bouclée. En présentant cette exposition, la MCJP est tout à fait dans son rôle de passerelle entre deux cultures. Et surtout, elle le fait très bien. A ne pas manquer. Jusqu’au 23 décembre 2010.
Gabriel Bernard
Pratique :
Les Arts décoratifs japonais face à la modernité 1900-1930 Maison de la culture du Japon à Paris : 101 bis, quai Branly 75015 Paris. Tél. 01 44 37 95 01.
Du mardi au samedi de 12h à 19h.
Entrée : 5 € – Catalogue : 20 €.