Politesse, respect, modestie… Des notions essentielles pour vivre au Japon qui passent par la langue.
La confrontation directe avec ses premiers interlocuteurs japonais rend parfois l’élève, même sérieux, perplexe. Il connaît les bases de la conversation en japonais, maîtrise le vocabulaire essentiel, a l’oreille déjà bien formée avec une bonne reconnaissance orale, mais il arrive bien souvent qu’il ne connaisse pas, ou mal, toutes les subtilités de la politesse du langage à la japonaise : le keigo.
ようこそ いらっしゃいました。
Yôkoso irasshaimashita.
Vous êtes le bienvenu.
Irasshaimashita, forme passée du verbe irassharu (ou irasshaimasu) qui signifie ici venir. Le verbe kuru ? Trop neutre, et donc inapproprié. Le sens est pourtant le même, alors pourquoi se compliquer la vie en jonglant avec le vocabulaire ? Pourquoi faire de telles acrobaties qui font courir le risque de se prendre les pieds dans le tapis et de passer pour un mal dégrossi ? Justement parce que c’est en adaptant son vocabulaire à son interlocuteur ou à la personne de qui l’on parle que l’on est le plus pertinent en japonais, le plus séant, le plus sociable, et donc le plus juste. L’utilisation de la forme de respect du verbe venir dans la phrase de l’exemple ci-dessus tient du statut d’invité de Pipo qui n’entretient à ce stade absolument aucune intimité avec cette famille d’accueil. Au titre de jeune petit Français dont le confort de son séjour dans l’archipel va en grande partie être assuré par ses hôtes si attentionnés, Pipo devrait théoriquement répliquer par un modeste et formel :
お世話になりますので、よろしくお願いいたします。
Osewa ni narimasu no de, yoroshiku onegai itashimasu.
Je m’en remets à vous, merci pour votre indulgence.
Notez au passage que la fameuse formule abordée dans notre précédent numéro est ici quelque peu modifiée, shimasu étant remplacé par itashimasu, son équivalent modeste. Mais au lieu de ça, Pipo baragouine. C’est ici le non recours à un niveau de langage plus soutenu qui fait de lui un personnage « important » et lui procure ce sentiment d’être accueilli comme un prince.
Le keigo et ses subtilités peuvent être apprivoisés en pratiquant la langue au quotidien, et ils sont nécessaires à tous ceux qui souhaitent dépasser le cadre d’un échange touristique. En revanche, les Japonais n’attendent pas du touriste qu’il sache en maîtriser tous les rouages. L’étranger de passage s’exprimant en keigo relève de l’exceptionnel, du hors-norme, sûrement pas du naturel. Mais son quotidien, qui véhicule à longueur de journée ce langage soutenu (le service à la japonaise est aussi dans les mots), justifie à lui seul l’apprentissage des formules de base. Même le distributeur automatique de billets parle en keigo, et si vous n’avez certes pas besoin de lui répondre, il est toujours préférable de bien le comprendre.
Pierre Ferragut
Pratique :
Le mot du mois
親切 (shinsetsu) : gentil
ホストファミリーの皆さんがあまりにも親切なので、感動しました。
Hosuto famirî no minasan ga amari ni mo shinsetsu na no de, kandô shimashita.
Les membres de ma famille d’accueil sont d’une grande gentillesse, j’en suis très touché.