En dépit de liens économiques très denses, certains envisagent de les rompre.
Il n’est pas utile d’avoir fait de longues études pour comprendre que les tensions diplomatiques entre Tokyo et Pékin ne réjouissent guère les industriels des deux côtés de la Mer de Chine orientale. Chacun est conscient que les deux économies sont de plus en plus liées [voir tableau ci-contre] et que les échanges entre le Japon et la Chine ne peuvent pas s’interrompre du jour au lendemain sans avoir des conséquences néfastes pour chacun d’entre eux. Lorsque le gouvernement chinois a annoncé, le 19 septembre, qu’il suspendait les discussions sur les dossiers économiques, bon nombre d’industriels japonais ont manifesté leur malaise et exprimé leur crainte de voir leur présence sur le territoire chinois compromise. Dans les jours qui ont suivi, plusieurs entreprises japonaises déjà implantées ont été victimes de tracasseries administratives de la part des autorités chinoises et des appels au boycott des sociétés nippones ont été lancés et relayés dans la presse. Si les grandes entreprises japonaises, qui ont dû faire face au printemps à des mouvements de grève qui ont paralysé leur production en Chine, disposent d’arguments pour ne pas trop craindre les soubresauts diplomatiques, les petites et moyennes entreprises (PME) nippones, qui, rappelons-le, jouent un rôle clé dans le tissu industriel de l’archipel, sont bien plus exposées et fragilisées. De nombreux responsables de PME ne voient pas d’un bon œil le raidissement chinois.
Toutefois, cela donne des arguments supplémentaires à ceux qui dénoncent la dépendance japonaise à l’égard de la Chine et qui veulent en sortir. S’appuyant sur plusieurs affaires dans lesquelles des produits made in China ont été mis en cause (notamment l’affaire des raviolis frelatés de 2008), ils défendent le retour sur le sol japonais de nombreuses industries délocalisées. Dans certaines boutiques de l’archipel, on voit même apparaître des rayons made in Japan, slogan qui doit rassurer et attirer les consommateurs japonais. Ces derniers manifestent à l’égard des produits venus de Chine une défiance qui va en s’accroissant. D’autres s’inquiètent de la présence de capitaux chinois sur le territoire nippon à la recherche de bonnes affaires industrielles, de façon à récupérer le savoir-faire des PME. Ces dernières années, le nombre d’acquisitions d’entreprises par des intérêts chinois ont pas mal augmenté dans des secteurs aussi variés que l’industrie pharmaceutique ou les machines-outils. Au cours des deux dernières années, la presse spécialisée japonaise s’est aussi alarmée de la chasse aux hommes d’expérience que les constructeurs automobiles chinois ont entamé pour s’attacher les services d’ingénieurs ou de concepteurs japonais.
Tout comme au niveau politique, on assiste donc à la montée en puissance d’un nationalisme économique dans les deux pays, chacun d’entre eux semblant oublier que les liens déjà existants pèsent particulièrement lourds. C’est ce qui fait dire à un observateur des relations économiques bilatérales que “ces deux-là sont tombés sur la tête”.
Odaira Namihei