Jugeant le train trop cher, de nombreux Japonais choisissent l’autocar. Une autre façon d’appréhender le pays.
Tous les soirs à partir de 20 heures environ, devant les deux principales gares de la capitale japonaise, Shinjuku et Tokyo, mais aussi dans plusieurs autres villes de l’archipel, on peut assister à une certaine agitation. Des dizaines d’hommes et de femmes tirant leur valise répondent à l’appel des employés des sociétés d’autocars qui annoncent les nombreux départs prévus. On a beau se trouver devant des gares ferroviaires, ce qui mobilise l’attention de toutes ces personnes ce sont les autocars qui les emmèneront à Osaka, Nagoya, Hiroshima ou encore Sendai. Elles mettront bien sûr plus de temps pour rejoindre leur destination que si elles avaient emprunté le shinkansen, le train à grande vitesse, mais elles feront une économie substantielle. Un argument qui, en ces temps de crise, pèse grandement dans la décision de ces hommes et ces femmes. Sur le trajet Tokyo-Osaka, ils feront en moyenne près de 9 000 yens [79 euros] d’économie par rapport au train, ce qui est loin d’être négligeable. Sur certaines lignes très concurrentielles, les entreprises se livrent une guerre des tarifs qui profite très largement aux consommateurs, puisqu’on peut trouver des places à 500 yens [one coin seat, un siège pour une pièce de 500 yens] entre Tokyo et Nagoya et entre Tokyo et Osaka. De quoi intéresser les voyageurs prêts à sacrifier la rapidité au profit d’un service bon marché et de mieux en mieux adapté aux besoins des clients. En d’autres termes, n’imaginez pas les Japonais voyager sur de longues distances dans des véhicules au confort sommaire comme on peut en rencontrer en Europe quand on décide de rallier Paris à Amsterdam (à peu près la même distance qu’entre Tokyo et Osaka). Ici rien n’est laissé au hasard. On soigne le client, car on sait qu’une petite faute de goût peut avoir des conséquences fâcheuses. Désormais, les différentes sociétés qui se sont lancées dans l’exploitation de lignes autoroutières rivalisent d’imagination pour attirer le chaland. Il existe en fait deux types d’entreprises qui se partagent actuellement ce juteux marché. Il y a celles spécialisées dans le transport de passagers en car (rosen basu) et les sociétés de transport touristique (tsuâ basu). Jusqu’en 2000, ces dernières ne pouvaient pas exploiter de lignes régulières, ce qui expliquait la relative stabilité du marché dominé alors par JR Bus, la filiale automobile de la compagnie de chemin de fer. La réforme de la règlementation, en février 2001, leur a alors permis de se lancer dans l’aventure et proposer l’ouverture de nouvelles lignes.
Voilà pourquoi il règne une telle activité autour des gares avec des ballets d’autocars et des files de voyageurs qui attendent de pouvoir embarquer. En l’espace de dix ans, le nombre de clients sur les différentes lignes d’autocars a décuplé grâce à une très forte concurrence. Alors qu’un aller simple entre Tokyo et Osaka coûte au tarif normal 8 000 yens, on trouve régulièrement des places à 3 000 yens et même à 2 300 yens si on les réserve 21 jours à l’avance. En y ajoutant les réductions consenties lorsque la réservation est faite en ligne, ces déplacements en autocar sont une bonne affaire. Mais cela ne suffit pas toujours au Japon pour garantir le succès. Il faut faire preuve d’inventivité pour séduire une clientèle parfois exigeante. Outre le siège à 500 yens mis en place comme produit d’appel, plusieurs sociétés proposent des services exclusifs qui répondent à des besoins exprimés par les usagers. Désireux de mettre la main sur la clientèle des hommes d’affaires, JR Bus a mis en place une sorte de business class dans certains de ses autocars avec des sièges beaucoup plus confortables que ceux du shinkansen, mais 30 % moins chers. Entre 9 900 et 10 500 yens, les Premier seat sont très appréciés à tel point que sur la ligne Tokyo-Osaka, la société propose cinq allers-retours quotidiens où l’on trouve au premier étage de ses véhicules ces espaces VIP qui font vraiment penser aux classes affaires des compagnies aériennes. D’autres sociétés, soucieuses de répondre aux demandes des femmes souhaitant voyager l’esprit tranquille, ont créé des lignes entièrement réservées aux voyageuses afin d’éviter les désagréments liés à la mixité comme le rappelait récemment un article de presse dans lequel ont pouvait lire qu’un homme avait été condamné par la justice pour avoir laissé ses mains se balader sur sa voisine lors d’un voyage entre Tokyo et Sendai. Comme la plupart des trajets s’effectuent de nuit, la création de ces autocars réservés aux femmes a permis d’augmenter sensiblement la fréquentation de ces lignes. La mise en place de rideaux entre les sièges permet aussi d’assurer une meilleure intimité, ce qui n’est pas pour déplaire. Peu à peu, les services s’affinent et permettent aux clients de voyager de la manière la plus confortable qui soit.
Imaginez que vous ayez envie d’aller visiter Kakunodate et le lac Tazawa, situés à environ 600 kilomètres au nord-est de la capitale. Pour se rendre dans cette ville que l’on a surnommé “la petite Kyoto du Tôhoku”, il est possible d’emprunter le shinkansen. Il vous en coûtera un peu plus de 15 000 yens si vous ne disposez pas du JR Pass. En revanche, si vous optez pour l’autocar, vous n’aurez qu’à débourser 8 860 yens. Un aller-retour par jour au départ de Yokohama et du terminal de bus de Hamamatsuchô à Tokyo. Le départ a lieu à 21h35 à Yokohama (22h25 à Hamamatsuchô) pour une arrivée à 7h25 à Kakunodate (8h devant la gare de Tazawako). Après les quelques 11 heures de voyage, on peut aller profiter des nombreuses maisons de samourais ouvertes au public comme la merveilleuse demeure des Aoyagi, l’une des plus belles de cette ville fondée en 1620 et dont certaines semblent avoir été figées dans le temps. Ensuite, un petit tour au lac Tazawa, le plus profond du Japon (423 m), lieu magnifique que l’on peut parcourir en vélo ou sur lequel des mini croisières sont organisées. A la fin de la journée, après un bon repas dans l’un des nombreux et délicieux restaurants des environs, on peut reprendre l’autocar (20h20 devant la gare de Tazawako, 20h55 à Kakunodate) pour redescendre vers la capitale (6h05 à Hamamatsuchô) et Yokohama (6h50). Compte tenu du prix et du nombre réduit de liaisons en autocar, il n’est pas toujours facile de trouver des places notamment les veilles de week-end. D’autant plus que le lac Tazawa est devenu le lieu de pèlerinage de nombreuses Japonaises qui veulent découvrir le lieu où l’on a tourné la série coréenne Iris qui a remporté un grand succès à la fin de l’année 2009 lors de sa diffusion sur la chaîne TBS.
Si vous avez du mal à réserver pour Kakunodate ou le lac Tazawa, sachez qu’il existe des centaines d’autres destinations accessibles par autocar. Willer Express, l’un des leaders du secteur, propose pour les touristes étrangers un Japan Bus Pass, équivalent du JR Pass, mais pour un tarif bien inférieur. Il est possible de réserver depuis l’étranger via son site Internet (http://willerexpress.com) en anglais. Un bon moyen de faire des économies et de voyager autrement au pays du Soleil-levant.
Gabriel Bernard
Pratique :
A l’exception de willer travel, les sociétés d’autocars ne disposent pas de site en langues occidentales. Si vous avez quelques notions de japonais (ou en utilisant un site de traduction automatique), n’hésitez pas à consulter Kôsoku Bus Net : www.kousokubus.net