Elu fin novembre à la tête d’Ôsaka, le leader du petit parti Ishin no kai commence à faire trembler les formations traditionnelles.
Début décembre, dans le taxi pris à la sortie de la gare de Shin Ôsaka, le chauffeur semble particulièrement loquace. Il a envie de parler politique. Il sait que la route est encombrée jusqu’à notre destination et qu’il aura le temps de livrer son analyse du changement qui vient de se produire à la tête de la troisième ville du pays, capitale économique du Kansai. Hashimoto Tôru a réussi à troquer son costume de gouverneur pour celui de maire. A 42 ans, celui, qui fut le plus jeune gouverneur de préfecture au Japon après son succès au scrutin de 2008, marque de façon incontestable de nouveaux points au niveau politique. Diriger la ville d’Ôsaka est évidemment une étape importante pour cet homme ambitieux et particulièrement habile dans sa manière de s’adresser aux électeurs. “Je ne peux pas dire que j’étais un vrai fan de Hashimoto, mais il a su réveiller en moi des envies de changement”, confie M. Sugimoto, le chauffeur de taxi. “Ça fait trente ans que j’exerce mon métier. Ces dernières années ont été très dures. Le Parti libéral-démocrate (PLD) comme le Parti démocrate ont été incapables de sortir le pays de la crise. Il faut du sang neuf et M. Hashimoto incarne la nouveauté”, poursuit-il, en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur pour observer la réaction de son passager. “Ce n’est que le début, je le sens”, ajoute-t-il. Il est vrai que la victoire écrasante de Hashimoto Tôru, le 27 novembre, s’explique avant tout par sa capacité à mobiliser l’opinion publique qui s’était peu à peu désintéressée de la chose politique au cours des deux dernières décennies. Avec un taux de participation de près de 61 % contre 41 % en 2007, il est indéniable que l’élection municipale de 2011 a bénéficié de l’effet Hashimoto. Celui-ci a été d’autant plus déterminant que la désignation du maire avait lieu le même jour que celle du gouverneur, charge que M. Hashimoto avait abandonnée fin octobre pour permettre à son fidèle Matsui Ichirô de briguer le mandat au nom de leur parti Ishin no kai (Association pour la restauration). Fondée en 2010, cette formation a notamment pour objectif d’unifier Ôsaka, c’est-à-dire de fusionner la préfecture et la municipalité afin de donner au futur dirigeant de cette entité un poids politique considérable. Même si les deux hommes ont reconnu au lendemain de leur victoire du 27 novembre que leur projet de fusion nécessitait encore d’être affiné et expliqué, ils ont conscience de l’importance symbolique qu’il représente. “C’est vrai qu’on ne sait pas vraiment ce que cela donnera, reconnaît M. Sugimoto, mais leurs idées ont au moins le mérite de faire bouger les choses”. C’est tellement vrai que certains n’ont pas hésité à utiliser le terme de “séisme” pour évoquer l’élection de Hashimoto Tôru à la tête d’Ôsaka. Il a en effet réussi à détrôner les partis traditionnels, en premier lieu le Parti libéral-démocrate qui apparaît aux yeux de nombreux électeurs comme l’incarnation de l’immobilisme. De la même façon, le système bureaucratique hérité des cinquante années au cours desquelles le PLD a dominé le paysage politique japonais figure parmi les cibles préférées du nouveau maire. Ce dernier sait cependant qu’il aura maille à partir avec les bureaucrates peu enclins à soutenir son idée de fusion entre la préfecture et la mairie. Mais cela ne lui fait pas peur. Dans les heures qui ont suivi son élection, Hashimoto Tôru a convoqué les principaux responsables administratifs de la ville pour leur expliquer qu’il était désormais le maître à bord. Les images de l’arrivée à cette réunion des bureaucrates l’air contrit ont fait le tour des télévisions. Elles tranchaient avec la décontraction affichée par le nouvel élu. Sûr de lui, de son destin — il ne cesse de répéter qu’il ne s’agit que d’un commencement —, Hashimoto Tôru commence à faire peur. Il a décidé de former 2 000 candidats pour de prochaines échéances électorales. Son côté populiste inquiète, car il fait mouche auprès d’une opinion publique qui est allée de déconvenues en déconvenues ces dernières années. Vouloir faire d’Ôsaka un véritable pôle d’attraction et s’associer avec d’autres grandes cités comme Yokohama (la seconde ville du pays en termes d’habitants) pour défier le pouvoir central et ses pesanteurs, voilà des idées qui ne laissent pas indifférents. Sa sortie sur le nucléaire, proposant le 18 mars à Kansai Electric Power Co., société qui gère les centrales de la région, de renoncer à cette énergie participe de cette envie permanente de mettre les pieds dans le plat. A un moment où la majorité des Japonais sont désormais favorables à une sortie du nucléaire (79,6 % selon un sondage récent du Tôkyô Shimbun) et face à un gouvernement démocrate plutôt tenté de redémarrer l’exploitation des installations nucléaires arrêtées pour entretien, l’audace de Hashimoto lui fait gagner des points auprès des électeurs. “Il ira loin”, estime d’ailleurs le chauffeur de taxi qui ne tarit pas d’éloges à son égard.
Odaira Namihei