Je rêvais de surmonter la barrière de la langue et d’être autonome dans ce pays comme une grande. Aujourd’hui, après plus de dix années de vie en France, j’arrive enfin à me faire comprendre par mes interlocuteurs. Je peux ainsi me présenter seule presque partout, sauf dans les hôpitaux !
Un jour, je me suis blessé l’œil et j’ai dû aller dans un hôpital. Malgré son service “urgence”, j’ai dû attendre pendant une demi-journée dans une salle d’attente qui me rendait encore plus malade, pour avoir une consultation de 5 minutes. Pour l’éviter, j’ai bien compris qu’il fallait prendre rendez-vous. Avec un peu de chance si je n’oublie pas mon rendez-vous quelques semaines plus tard, je me présenterai et expliquerai mes soucis si j’ai mal au ventre par exemple. Mais comment ? J’ai du mal à décrire la douleur sans utiliser des onomatopées à la japonaise comme shikushiku, zukizuki ou kirikiri. Bien que le médecin me demande si j’ai des brûlures d’estomac, je ne peux pas savoir si cette expression correspond à mon état et je lui réponds : “heuuuu, oui peut-être on peut dire comme ça”. Puisque je n’en suis pas sûre, je ne peux pas croire le diagnostic qu’il me donne et je ne prends mes médicaments qu’une ou deux fois.
Sinon, mon plus grand souci est le paiement. Je ne sais jamais ce qui est couvert par la Sécurité sociale, ce que je dois payer sur place et comment ce sera remboursé par ma mutuelle. A l’hôpital, je n’ai rien payé, mais dans un autre centre médical, j’ai dû débourser 20 euros. Chez les dentistes, on m’a dit de demander d’abord un devis et de l’envoyer à ma mutuelle. Une fois j’ai suivi ce conseil et j’ai eu un devis de 900 euros (pour une petite opération qui m’aurait coûté 30 euros au Japon). Ma mutuelle n’en couvrant que 40 %, j’ai décidé d’oublier mon rendez-vous suivant. Ainsi, je n’ai toujours pas de médecin de famille et je ne fais jamais d’examen. Aujourd’hui, au lieu d’être autonome, je suis devenue très patiente avec la douleur.
Koga Ritsuko