Il aurait pu quitter le Japon. Il a choisi de rester et d’informer sur la radioactivité.
Iwata Wataru n’a pas le profil du militant, encore moins celui d’un citoyen modèle. Fils d’un musicien, cet artiste de 38 ans qui compose des musiques électroniques et peint dans les bars underground de la capitale a tout d’un marginal. Pourtant, au lendemain du 11 mars et de l’accident à la centrale de Fukushima Dai-ichi, il a créé le CRMS, la première station citoyenne de mesure de la radioactivité au Japon. Une initiative personnelle, qu’il a prise dans l’urgence, pour sauver des vies. “Quand je suis arrivé dans la préfecture de Fukushima après l’accident, j’avais l’impression d’être dans la Quatrième dimension”, se souvient-il. “J’étais assis dans un restaurant, au milieu de lycéennes et de familles. Tout le monde avait l’air normal, mais mon compteur grésillait. On était à environ 3,4 μ Sv/h, soit 5,6 fois plus que dans les zones évacuées autour de Tchernobyl”. Dans un premier temps, il était parti, dès le 12 mars, se réfugier à Kyôto. “Je savais que c’était très grave. Alors que beaucoup de gens restaient à Tôkyô, j’avais envie de partir en France. Mais finalement je me suis retrouvé dans la gueule du loup”, dit-il en souriant. De l’impression de “faux” qui régnait dans la capitale à son arrivée dans la zone contaminée, il garde un souvenir bouleversant. “La situation à Fukushima m’a rappelé un terme utilisé pendant la guerre. Il s’agit de kimin dont le sens est “abandon du peuple”. Je me suis dit que si je ne faisais pas quelque chose maintenant, je le regretterais dans 5 ou 10 ans ». De retour à Tôkyô, Iwata Wataru a cherché du matériel de mesure de la radioactivité. Il a contacté des chercheurs de l’organisme français, CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), qui l’ont épaulé et formé. “J’ai compris que sans instruments de mesure, on ne peut pas se protéger de la radioactivité. Le projet 47 a été créé le 1er avril pour offrir à la population de Fukushima un environnement de mesure fiable et indépendant du gouvernement”, explique-t-il. Il a monté depuis dix autres stations de mesure dont une à Tôkyô, un exploit quand on pense qu’aucune station de ce genre n’existait avant. “Nous faisons des mesure sur les aliments et calculons aussi l’irradiation interne sur les personnes. Malheureusement, il est encore très difficile de prouver scientifiquement la relation de symptômes alarmants avec la radioactivité”, ajoute-t-il en parlant de cas de perte de cheveux et d’embryons morts nés apparus après le 11 mars. Installé depuis presque un an dans la ville de Fukushima, il est aussi exposé quotidiennement. “Je peux décider de partir n’importe quand. C’est ce choix de rester ou partir que nous devons donner aux habitants de Fukushima. Je pense personnellement qu’il est impossible d’évacuer toute la préfecture, mais si une personne décide de rester, elle doit avoir les moyens de se protéger”, assure-t-il.
Alissa Descottes-Toyosaki