C’est l’histoire d’un policier bavard qui aime manger, mais qui adore surtout en parler. A consommer sans modération.
Publié dans Asahi Geinô, un hebdomadaire populaire qui s’intéresse surtout aux petites histoires du show biz nippon, Meshibana deka Tachibana [Histoire de bouffe de l’inspecteur Tachibana] est un manga qui connaît un succès grandissant auprès des amateurs de nourriture. Il faut dire que l’inspecteur Tachibana avec sa bonne bouille de gourmand assumé donne envie de manger et de partager les différents mets dont il parle. Tachibana est un bavard. Qu’il soit en présence de ses collègues ou d’un suspect, il se met à raconter des histoires et à examiner les origines de tel ou tel plat. Mais attention, on ne parle pas de cuisine raffinée. On donne dans le populaire, dans la cuisine de tous les jours, celle qu’on consomme dans les petits restaurants près des gares. Dans le volume 5 de la série qui est paru en avril dernier, la première histoire concerne la makaroni sarada [salade de macaroni], plat on ne peut plus simple et qui fait partie de la cuisine populaire au sens propre du terme. Et voilà l’ami Tachibana qui se lance dans une explication presque scientifique de la meilleure façon de préparer cette recette. Devant sa collègue médusée, mais qui se prend au jeu, il ne laisse passer aucun détail, allant jusqu’à comparer le prix des macaroni dans les supérettes. Son côté bonhomme plaît au public, mais pas seulement. Dans son édition 2012, Kono manga ga sugoi l’a classé au neuvième rang des meilleurs manga de l’année, lui donnant une nouvelle dimension. Il s’inscrit dans cette mode du manga traitant de la nourriture dont les rayons des librairies regorgent de plus en plus. Au Japon, on parle de Gurume manga, de manga gourmet, même si Meshibana deka Tachibana n’est pas à proprement parler un récit pour les gourmets. Le personnage principal mange un peu, mais sa première mission est de raconter ce qu’il va manger ou ce qu’il aimerait mettre dans son assiette. Il ne décrit pas non plus avec force de détail les ingrédients, mais plutôt le plaisir que procure le fait de se nourrir. Le dessin de Tabii Tori est d’ailleurs très efficace pour illustrer cette phase et faire ressortir sur le visage de Tachibana les expressions qui accompagnent cet instant.
Ce qui explique aussi le succès de ce manga, c’est la simplicité de l’inspecteur. Il ne s’agit ni d’un fin gourmet ni d’un as de la cuisine. C’est un personnage auquel le Japonais lambda peut s’identifier facilement. Il peut se sentir proche de lui, car il s’exprime de la manière la plus simple lorsqu’il se trouve face à un plat qu’il aime même s’il s’agit de nouilles instantanées. Ce moulin à paroles parvient même à convaincre le lecteur, en lui donnant envie de manger tel ou tel plat. Ce côté simple de la cuisine doit rassurer pas mal de lecteurs qui se trouvent aujourd’hui dans la situation de devoir la consommer faute de moyens. En se souvenant que le manga paraît dans un magazine populaire, on saisit encore mieux cet aspect des choses.
Mais la reconnaissance obtenue de la part de la critique laisse à penser que l’inspecteur Tachibana n’a pas fini d’amuser la galerie avec ses expressions et ses mimiques lorsqu’il se retrouve devant une bonne petite assiette. C’est aussi ça le Japon et le manga, un mélange étonnant qui permet de plonger dans des histoires revigorantes et qui nous donne envie de manger. L’appétit vient en lisant.
Odaira Namihei
Référence :
Meshibana Deka Tachibana de Sakado Sabei et Tabii Tori, éd. Tokuma Shoten, série en cours, 5 volumes parus.