Faire du japonais comme on joue d’un instrument… Et si tout n’était qu’une histoire de musique ? Avis aux mélomanes.
Oui, les sonorités ont un sens, et même si certains parviennent en se mouchant à imiter le barrissement de l’éléphant quand d’autres se prennent pour des joueurs de clairon, le son produit en soufflant du nez dans son mouchoir est immédiatement identifiable. Au Japon, on peut se racler la gorge et partir à la chasse aux glaires en public, mais pour se moucher et se débarrasser des encombrants par le nez, il est préférable de s’isoler. A chacun ses mœurs…
Et si les langues étaient également un système de sons avant d’être celui de mots ou de caractères ? C’est du moins l’impression que doivent partager tous ceux qui assimilent une langue étrangère exclusivement à l’oral, par le biais de la conversation et sans aucun apprentissage de son écriture. Il est bien sûr dommage de se limiter à la pratique orale d’une langue, surtout dans le cas du japonais au système d’écriture aussi complexe que riche. Mais l’approche orale d’une langue permet d’entrevoir son apprentissage comme celui d’un instrument de musique. S’il est toujours de bon ton de se faire l’oreille aux sonorités de ce dernier avant de se lancer dans des cours de solfège, il doit en être de même pour les langues : l’écriture n’est pas un préambule à la conversation, elle n’en est alors que la transcription formalisée.
Comme le décrit avec beaucoup de justesse Mizubayashi Akira dans “Une langue venue d’ailleurs” (Gallimard, 2011), les similitudes entre l’apprentissage d’une langue étrangère et celui d’un instrument de musique sont innombrables et d’une évidence frappante : «(Le français) était pour moi un instrument qui faisait chanter une musique particulière. Je n’ai pas fait de musique à proprement parler comme mon frère en a fait pendant de nombreuses années d’enfance et d’adolescence. Mais j’eus une musique à moi, à moi seul, c’était le français. Personne dans ma famille ne s’en aperçut. Car cette langue venue d’ailleurs était pour moi l’objet d’un travail laborieux, d’un exercice patient, d’une discipline ascétique de tous les jours comme l’a été le violon pour mon frère qui se l’est approprié, incorporé pour en libérer la musique.»
Souhaitons à tous ceux qui se lancent dans la belle aventure de la langue japonaise d’éprouver le même bonheur. Au début, on fait beaucoup de fausses notes, on joue faux, et puis on est incapable de déchiffrer les partitions. Arrive alors un jour où l’on ne fait sans doute plus d’efforts pour devenir virtuose, mais on a quand même sa place dans l’orchestre.
Pierre Ferragut
Pratique :
Le mot du mois
音楽 (ongaku) : musique
言語は音楽から生まれた。
Gengo wa ongaku kara umareta.
Le langage est né de la musique.