Pour accompagner vos longues soirées d’hiver, les éditeurs français ont mis les petits plats dans les grands.
Récompensé en 2007 au Festival d’Angoulême pour NonNonBâ, Mizuki Shigeru est un des derniers monstres sacrés du manga encore vivants. Au Japon, sa vie est connue de tous notamment depuis le succès de la série télévisée Gegege no nyôbô adaptée des mémoires de Mura Nunoe, l’épouse du mangaka. Diffusé en 2010 sur la NHK, le feuilleton avait passionné les foules qui avaient découvert la passion entre le dessinateur et sa femme ainsi que l’existence pour le moins agitée de Mizuki. Les Japonais se sont intéressés à nouveau à cet étonnant personnage, en se précipant sur l’autobiographie dessinée de l’auteur de Kitaro le repoussant. Celle-ci est enfin traduite en français chez Cornélius qui prouve une nouvelle fois sa constance à suivre ses auteurs. Le premier volume de la Vie de Mizuki sous-titrée L’enfant s’intéresse aux premières années d’existence du mangaka qui a passé une partie de son enfance dans la petite cité portuaire de Sakai Minato (voir Zoom Japon n°3). Il y a découvert l’importance du folklore local qu’il réutilisera dans une grande partie de son œuvre. Evidemment la vie d’un homme n’est pas celle d’un personnage de bande dessinée. Dès lors, on peut avoir parfois l’impression de longeurs dans le récit. Mais c’est aussi cela qui fait l’intérêt de cette autobiographie dessinée. Il faut l’aborder comme une histoire racontée à la japonaise, c’est-à-dire très détaillée et peu rythmée. L’intérêt, c’est que Mizuki nous en apprend beaucoup sur ce qui a influencé par la suite son œuvre, mais aussi sur le Japon provincial des années 1920-1930. A la fin de la première partie de ses mémoires, il évoque la montée du militarisme et la guerre qui vont avoir sur lui un impact considérable. Rappelons-nous son extraordinaire Opération mort (éd. Cornélius, 2008) qui a obtenu, en 2009, le prix du Patrimoine à Angoulême. C’est donc un livre d’histoire illustré qui se lit avec plaisir et intérêt à partir du moment où l’on accepte l’idée qu’il ne s’agit pas d’un manga tout à fait comme les autres. Pour avoir de l’action et des sensations, mieux vaut se tourner vers Reverend D, la dernière création de Fujisawa Tôru que nous offre Pika Edition. Sujet maîtrisé et technique parfaite, le mangaka nous prouve qu’il est une valeur sûre capable de transformer ce qu’il touche en or. L’esprit chagrin notera que le père de GTO n’a pas trop forcé son talent, en s’inspirant d’Onizuka, le prof de GTO, et Kasumi de Rose Hip Rose pour dessiner respectivement l’inspecteur Gotoda et Yui dans Reverend D. L’originalité est en revanche au rendez-vous de Tiger & Bunny (éd. Kazé), l’histoire de super-héros sponsorisés par de grandes entreprises dont les exploits sont diffusés en direct à la télévision. La série ne manque pas d’humour même si le graphisme manque de force. Ce n’est pas le cas de Roji ! de Kotobuki Keisuke qui paraît chez Ki-oon. S’adressant principalement à un jeune public, ce manga réalisé sur commande de l’éditeur français est une réussite que l’on prend plaisir à suivre. Succession de petites histoires qui se déroulent dans la ville de Kamishiro, Roji ! met en scène Yuzu, Karin et leur chat Zanzibar qui ne savent pas quoi inventer pour pimenter leur quotidien. Une petite perle à partager en famille.
Gabriel Bernard
Références :
Vie de mizuki 1. L’enfant, de Mizuki Shigeru, trad. par Fusako Saito & Laure-Anne Marois, Editions Cornélius, Coll. Pierre, 33,50€
Reverend d, de Fujisawa Tôru, Pika Edition, 8,05€
Tiger & bunny, de Sakakibara Mizuki, trad. par Pierre Giner, Kazé, 7,69€
Roji !, de Kotobuki Keisuke, trad. par David Le Quéré, Ki-oon, 9,65€