En plus d’être un plat agréable à manger, les râmen constituent aujourd’hui un argument économique non négligeable.
Au Japon comme dans bon nombre d’autres pays développés, le secteur de l’édition ne se porte pas pour le mieux. Les éditeurs doivent donc rivaliser d’imagination pour attirer les lecteurs qui passent désormais de plus en plus de temps sur leur terminal numérique. Ils ont trouvé un domaine pour lequel les Japonais dépensent toujours autant, celui des publications consacrées aux râmen. On ne compte plus les livres illustrés qui proposent les classements des meilleurs restaurants. Par région, par type de râmen ou encore par prix, on trouve toutes sortes de classements qui permettent de multiplier les ouvrages et donc les recettes. Alors que l’ensemble de l’économie japonaise semble désormais tourner au ralenti (le PIB était en recul de 0,9 % au troisième trimestre de 2012), tout est bon pour générer de l’activité. Les râmen apparaissent comme une sorte de remède. C’est un plat qui génère du plaisir et qui est très abordable. A la différence d’autres pans de la restauration qui subissent de plein fouet les effets de la crise avec une baisse de leur fréquentation, les établissements de râmen résistent bien. Ils font même mieux que des concurrents de la restauration rapide comme McDonald’s. La filiale japonaise du géant américain a même annoncé à la fin du mois d’octobre la fermeture de 110 restaurants dans l’archipel tandis que les rédacteurs de Kyûkyoku no râmen [Ultimes râmen] comptabilisaient l’ouverture de 879 nouveaux restaurants de râmen à Tôkyô et dans sa région.
Ce qui est valable pour la capitale l’est aussi pour le reste du pays où l’on table également sur le succès des râmen pour mettre un peu de baume au cœur de l’économie mal en point. De nombreux guides paraissent et mettent en avant les râmen comme argument pour encourager les consommateurs à se rendre dans telle ou telle région. Les Japonais sont gourmands, c’est un fait, et la nourriture a toujours constitué un élément important dans le choix d’une destination. L’engouement pour les râmen conduit les responsables régionaux à entretenir et développer les spécialités locales en la matière afin de s’assurer que les touristes y trouveront leur compte. Certaines régions sont mieux loties que d’autres même si on trouve dans chaque ville du pays au moins un restaurant de râmen. Les principaux centres sont, du nord au sud, Sapporo, Asahikawa, Hakodate, Kitakata, Niigata, Tôkyô, Yokohama, Hiroshima, Hakata, Kumamoto et Kagoshima. A Sapporo, dans un bâtiment jouxtant la gare, on trouve au 10ème étage la République des râmen de Sapporo (Sapporo râmen kyôwakoku), un ensemble de restaurants spécialisés qui attirent chaque jour des milliers de personnes. A Kitakata, petite ville de la préfecture de Fukushima, on entretient soigneusement l’idée qu’on y trouve l’un des plus anciens restaurants de râmen encore en activité. Le Genraiken, créé en 1920 par Fan Jinxing, un Chinois venu du continent, existe toujours. Il est tenu par un de ses descendants. A Yokohama considéré comme l’un des berceaux des râmen, on a même créé deux musées : Le Shinyokohama râmen museum (www.raumen.co.jp) qui a ouvert ses portes en mars 1994 et le Cup Noodles Museum inauguré en septembre 2011. Tandis qu’à Kyûshû, on voudrait que le fameux bouillon blanchâtre des tonkotsu râmen obtenu à partir de porc mijoté soient d’appelation d’origne contrôlée. On le voit, les enjeux économiques autour des râmen sont considérables et pris très au sérieux par les Japonais.
Odaira Namihei