Si les Japonaises ne font pas assez d’enfants, c’est la faute des Japonais. C’est du moins la conviction de cette mère de famille.
Mariée à un Ecossais, Richard Dawson, depuis cinq ans, Watanabe Junko est maman de deux enfants : Alexandre et Rika. Son époux, originaire d’Edimbourgh, est directeur dans un cabinet d’audit international à Tôkyô. La famille vit dans un appartement confortable de l’arrondissement de Minato dans la capitale nippone. A 9 ans, Alexandre est une petite tornade. Entre deux courses effrénées, il se penche et embrasse sa petite sœur, Rika, 9 mois, assise sur les genoux de sa mère. “Il est tout le temps comme ça, s’excuse sa maman Watanabe Junko. Il est difficile à canaliser.” La petite Rika observe la scène avec attention.
Beaucoup de douceur et de gentillesse émanent de Watanabe Junko, originaire de Nagano. Elle aime passer son temps auprès de ses enfants et avoue ne pas “être pressée de retrouver son poste de secrétaire. Je suis tellement bien auprès de mes bébés”, sourit-elle. A 39 ans, Junko se définit comme “une maman âgée. Au Japon, je suis déjà considérée comme un peu vieille pour avoir des enfants. Même si la tendance veut, qu’aujourd’hui, de plus en plus de Japonaises attendent d’avoir fait des études et débuter une carrière avant d’avoir des enfants.” “Les Japonaises veulent de plus en plus travailler hors de la maison et deviennent plus indépendantes financièrement. Lorsqu’elles réalisent qu’elles veulent un enfant, elles sont, soit trop âgées, soit trop investies dans leur entreprise et il est difficile, pour les femmes, de concilier vie professionnelle et de famille au Japon”, poursuit-elle.
Question système de garde, Junko a une idée bien à elle pour aider les jeunes mamans débordées. “Je pense que nous devrions créer une communauté qui nous permettrait de nous aider les unes les autres. Par exemple, j’habite dans l’arrondissement de Minato. Ici la mairie a créé un groupe de soutien et le principe est ingénieux : des mamans expérimentées interviennent dans tout l’arrondissement en échange de 800 yens par heure. Ce qui est un prix très abordable en comparaison des tarifs mis en place par les services de baby-sitting. Une aubaine pour les mamans qui ne peuvent pas compter sur l’aide de leurs parents qui vivent trop loin.”
Watanabe Junko s’estime très privilégiée dans sa vie professionnelle. “J’ai eu beaucoup de chance, car mon entreprise fait très attention aux mamans. Par exemple, nous avons droit à un an et demi de congé maternité. Il nous est aussi possible de choisir de travailler à temps partiel ou de faire une partie de notre travail de notre domicile jusqu’à ce que les enfants aient atteint l’âge de 12 ans. C’est vraiment idéal”, confirme-t-elle, en souriant.
Pour Watanabe Junko, si la natalité baisse au Japon, il n’y a qu’une seule raison : les hommes japonais. “Enfin surtout, les Sôshoku-kei danshi qui rejettent les femmes, le couple et le mariage”, lance-t-elle. Le Sôshoku kei danshi définit cette génération de jeunes Japonais, âgés de 20 à 35 ans, qui ne veut plus vouer sa vie à une carrière professionnelle. Pour cela, ils évitent volontiers les responsabilités et les contextes de compétitions en montrant peu d’ambition. Leur objectif est de profiter de la vie, gagner peu pour dépenser peu et prendre soin d’eux. Il s’agit pour eux de mesurer davantage le temps qui passe.
Les Sôshoku kei danshi, terme que l’on a traduit en Europe par herbivores, se désintéressent aussi de l’amour et du sexe. Fukasawa Maki, auteur et journaliste, a employé le terme pour la première fois en 2006. “Au Japon, le mot qui définit le sexe signifie littéralement relation de chair, exprime-t-elle dans un article. Voilà pourquoi j’ai appelé ces hommes les herbivores, car ils ne s’intéressent pas à la chair.” On estimerait à 60 % le taux de Japonais, âgés de 20 à 34 ans, reconnaissant dans ce mode de vie. Après un sondage auprès de 500 jeunes Japonais, réalisé il y a deux ans, la Lifenet Seimei insurance assure que les trois quarts des jeunes interrogés se sentaient concernés par ces nouvelles préoccupations.
“Les Sôshoku kei danshi sont partout maintenant, assure Watanabe Junko. Ils sont très féminins, attendent que les femmes viennent les chercher. Ce qu’elles n’ont pas envie de faire. Cela pourrait venir de l’éducation que leurs mères leur a donnée, trop choyés, et par l’absence d’un père qui se désintéresse des enfants en bas âge. De leur côté, les femmes gagnent en indépendance : elles n’ont plus besoin des hommes d’un point de vue financier. Les rencontres sont donc beaucoup plus difficiles.” “Je pense que de manière générale, il est aujourd’hui difficile d’avoir une relation amoureuse avec un Japonais. Les Japonais n’aiment pas les caractères forts. Alors bien sûr, cela se passe très bien avec les jeunes femmes, mais dès que celles-ci avancent âge et commencent à s’affirmer, cela se corse. Et passé un certain âge, les Japonaises n’arrivent plus à trouver de maris au Japon. C’est plus simple avec les étrangers ! Ils apprécient davantage les femmes autonomes”, constate avec un brin d’amertume Watanabe Junko.
Johann Fleuri
Sexualité : Pas touche !
Bien que, selon la définition fixée en 1994 par la Société japonaise de sexologie, le terme “sexless” ne s’applique pas à une situation particulière, il désigne le fait de n’avoir ni rapport consenti ni contact sexuel pendant plus d’un mois. Mais cette définition date d’il y a 17 ans. Dans une enquête réalisée en 2007 où il était demandé à partir de quel laps de temps pouvait-on parler de “sexless”, environ 30 % des personnes interrogées ont répondu six mois. Le syndrome du “sexless” inconscient a donc progressé.
Odaira Namihei